29.3.07

DECHEANCE CULTURELLE

On peut agir !

Troublés par les turbulences d'un monde à la recherche de repères oubliés, et ballottés entre les mirages du " fashion time " et la fascination des aspects valorisants de nos traditions, nous, africains d'aujourd'hui, savons-nous vraiment à quelle société nous appartenons ? Avons-nous une idée claire du type de société à construire pour vivre à la fois libres et heureux ?

Nous sommes bourrés de contradictions face à l'urgence du choix d'un modèle dont dépend notre survie, foncièrement néo-libéralistes dans l'âme mais rêvant de cet " Autre monde " qu'appellent de tous leurs vœux les altermondialistes. Fervents défenseurs de la modernité et " up to date " jusqu'à la moelle des os, nous militons en faveur du " retour aux sources " et de la sauvegarde de notre patrimoine culturel.

Et, réfugiés dans des labyrinthes de mots, nous nous livrons à une masturbation intellectuelle dont le seul but est de divertir la sagesse, pour échapper à la violence des graves interrogations du temps. Pour calmer la douleur de notre écartèlement entre des tendances opposées.

Chefs d'états et ministres de la culture africains, à travers des discours enflammés, étalent toujours leurs phantasmes linguistiques en termes de RE - " revalorisation, réhabilitation, reconstitution, reconstruction… " - en parlant de la culture.
Sur le terrain, néant ! Comme si les mots seuls suffisaient pour nous guérir de notre " culturite ", ce mal pernicieux, plus terrible que le sida, qui ronge doucement toutes les cellules de notre corps culturel et met en lambeaux notre identité.
Pourtant, en réalité, la culture demeure l'éternel " parent pauvre " des programmes de développement sous les tropiques. Pourtant, en réalité, le politique, l'économique et le social passent avant le culturel. Comme si ces " priorités " suffisaient pour construire un pays ou une nation sans la vitalité de l'élément culturel.

Ces zombies que nous sommes

Et, sans rien proposer qui puisse faire école hors des frontières du Continent et laissant notre intelligence divaguer sur les territoires infertiles des philosophies oiseuses, nous nous imposons sans gêne des modèles culturels " made in ailleurs ", prêts à copier : Fête de la Musique, Lire en Fête… Si seulement nous pouvions en tirer des expériences autres que commerciales, des bénéfices autres que financiers !
On peut pleurer les victimes des vagues géantes ravageuses, des tremblements de terre spectaculaires, des incendies gigantesques, du sida, de la famine, du terrorisme, etc.
On pleure ces victimes et on se mobilise contre ces " catastrophes ", ces " horreurs ". Mais qui a le temps de s'émouvoir devant le " tsunami culturel " qui est en train d'emporter des pans entiers de nos mémoires ?
Qui a le temps de se demander si toutes ces " catastrophes " ou " horreurs " ne sont pas les conséquences de notre éloignement des valeurs fondatrices de nos sociétés, les conséquences de notre déchéance culturelle ?
L'effondrement de nos repères est considéré par bon nombre d'entre nous comme une suite logique ( ?) de la marche du temps, des mouvements du monde.
Et pourtant, il porte, à bien des niveaux, la marque d'esprits iconoclastes qui ont toujours voulu s'affranchir des interdits traditionnels susceptibles de briser les ailes de leurs ambitions personnelles et jouant les intéressants pour attirer les faveurs du Maître d'hier, Patron aujourd'hui.
Les éminences grises supportent-elles… le folklore ? Non. Sauf si - comble d'hypocrisie et d'inconséquence - on veut conserver le costume du pouvoir. Encore que là, on a recours à ce qu'on appelle avec ironie le " black power ", la face perverse de l'Esprit africain.
Et zombies nous devenons de plus en plus, étranges fantômes dont seul le ventre constitue la preuve et la raison de l'existence, la tête perdue dans les nuages de la modernité et la pointe des pieds frôlant à peine la source tarie d'une culture évanescente.
Qui va nous sauver ? Les spécialistes du " zoo humain " (sociologues, psychologues, psychologues sociaux et autres anthropologues) ont-ils encore assez de génie culturel pour nous aider à nous retrouver et à recoller nos morceaux ? Laissera-t-on se dissoudre dans la dangereuse " solution mondialisée " tous nos repères, tous nos recours, toutes les rames de notre survie ?
L'heure est grave. La postérité est en danger. Alors, acteurs culturels de tous les pays d'Afrique, unissons-nous ! Echangeons. Proposons. Ensemble, nous pouvons construire l'Autre Afrique et faire d'elle la première puissance culturelle du monde. Ce n'est pas un rêve pieux. On peut agir. On doit agir !

Crédit photo: Adama BAMBA/CFP2006

22.3.07

Et si on se parlait ?


A toi, ma Douce Rose bien éclose dont les mille pétales parfumées s'étalent sur mon coeur embaumé,
Puis-je seulement te dire qu'un amour qui se tait est un amour qui se tue. Alors, il faut parler et se parler. Car on ne peut pas se pardonner si l'on ne se comprend pas et on ne peut pas se comprendre si l'on ne se parle pas. Moi je veux te parler parce que je t'aime...

Crédit photo: Salif TRAORÉ/CFP2007

15.3.07

LA CULTURE DU BONHEUR


Le samedi 10 mars, il m'a été donné de vivre des moments de joie véritable. C'était à Sélingué, une localité située à une centaine de kilomètres de Bamako, la capitale malienne, à l'occasion d'une cérémonie solennelle et haute en couleurs, marquant l'apothéose des festivités du trentenaire de l'association suisse Helvetas/Mali.
C'était une joie pure, une joie brute, naturelle, normale, ressentie du dedans vers le dehors... Cela n'avait rien des joies fabriquées par des politiciens en mal de gloire et de renommée qui vont distribuer ici et là, des morceaux de biens matériels pour arracher aux populations ces sourires à travers lesquels ils se voient au rang des demi-dieux qu'ils veulent être pour leurs semblables.
La joie que les populations de Sélingué éprouvaient ce jour-là se justifiait par l'engagement d'Helvetas à leurs côtés pour leur apprendre à se prendre en charge grâce à des activités agricoles, sociales et culturelles. Grâce à la culture par eux-mêmes de leur propre bonheur. C'était loin des joies négociées, arrangées, pour sauver des faces sombres qui prétendent pouvoir illuminer le monde. C'était la JOIE. La vraie. Parce que Helvetas a cru en ces femmes, en ces hommes, en les accompagnant et en les laissant faire le reste du chemin seul avec un éclairage patient et des conseils pleins d'amour et imbibés de solidarité. Helvetas a célébré ses 30 ans au Mali. Les différentes populations qui ont bénéficié de son assistance et de son aide, elles, elles doivent célébrer chaque jour leur vie entière en ayant à l'esprit que le vrai bonheur c'est celui que l'on puise au fond de son coeur et qui s'y trouve parce que nous avons posé des actes positifs qui le génèrent et l'entretiennent. Le vrai bonheur est culturel. Ou humain, disons. Il n'est pas politique.
Sur cette image, je suis devant l'affiche présentant le volet culturel des activités d'Helvetas/Mali, le PAC. Crédit Photo: Batoma/CFP2007

9.3.07

LA PASSION


Jeanne et Baptiste. J'ai rarement vu des gens aussi passionnés, aussi amoureux de leur travail. Tous ceux qui connaissent le merveilleux site interactif Afrique in visu comprendront ce que je veux dire. Ils ont pour eux, en plus de la jeunesse et du rêve d'offrir au monde une meilleure image, une conscience aiguë du travail achevé.
Voilà des gens que je voudrais toujours croiser sur mon chemin chaque jour de ma vie. Ils vous boostent, ils vous animent, ils vous poussent à l'action, au dépassement, à la vie...
Cette photo, je l'ai fait prendre par Harandane Dicko du Cadre de promotion pour la Formation en Photographie (CFP/Bamako), lors de la cérémonie d'adieu organisée par l'ambassade de France à l'honneur de la petite Julie Demaison.
Une image en souvenir de quelques brefs moments d'intenses causeries. Ils doivent être au Sénégal pour un moment avant de remonter au Nord. Mais ils reviendront au bord du Djoliba pour vivre les 7èmes Rencontres africaines de la photographie ... BON VOYAGE JEANNE ET BAPTISTE ET A TRES BIENTÔT !
Crédit Photo: Harandane DICKO/CFP2007

5.3.07

HONNEUR ET DIGNITÉ (1)

Le 9 mai 2004, après deux ans, jour pour jour, dans un organe de presse malien, je suis allé voir le directeur de publication pour lui dire merci de m’avoir fait confiance, merci de m’avoir ouvert sa porte, son journal et son cœur, moi l’inconnu atterrissant de l’inconnu. Cet homme humble et riche de cœur, je l'avais toujours considéré comme un grand-frère, mais je ne pouvais plus continuer avec lui de relever un défi qui, avec le temps, était devenu commun à nous deux.
Alors, ce 9 mai là, j’étais convaincu qu’il fallait savoir s’arrêter. Je me suis toujours dit que ceux qui s’accrochent à des postes, à des titres, à des privilèges, même quand ça ne va plus, même quand ils n’ont plus la paix du cœur, je me suis toujours dit que ceux-là étaient des misérables qui ne savent pas inventer la vie, qui ne peuvent pas donner du souffle au destin, qui ne veulent pas se battre contre eux-mêmes pour vaincre leurs adversaires. Moi, je suis un « challenger » dans mon âme et dans mon cœur. Les défis, c’est ma vie. Sans être un cascadeur ou un kamikaze. Et même là encore ! Ma foi en mes capacités, en mes potentialités, en mes dons divers, ne m’autorise pas à douter de moi et à refuser d’affronter les épreuves du temps.
Pour moi, aucune fonction, aucun titre, aucun privilège ne valent l’honneur et la dignité. Je crois que, comme la foi, l’honneur et la dignité sont des dons de Dieu. Ils ne se discutent pas, ne se marchandent pas, ne se négocient pas. Pour moi, l’honneur et la dignité sont les deux ailes de notre vie qui peuvent nous aider à nous envoler loin de la puanteur et de la pourriture, quand on nous a dépouillés de tout. Ces ailes-là, nous ne devons laisser personne nous les briser. PERSONNE !

Le lendemain de ce 9 mai, j’ai écrit les mots qui suivent dans mon journal "L’Exutoire II" :

« 9 mai 2002-9 mai 2004. La boucle est bouclée. Signe de Dieu ? Loi des nombres ? Inébranlable destin qui châtie, qui nargue, qui rappelle à l’ordre sacro-saint des choses du monde ! Les gentils ont raison du misérable. Les plus forts ont gagné. Comme toujours. Mais le misérable a du cran, il a du cœur, une impitoyable dignité, un honneur sans borne qui le protègent contre les souillures des gentils grossiers qui vivent au dépens de leurs langues acérées et criminelles.
Gentils hypocrites allergiques aux talents des autres, ceux qu’ils applaudissent quand ils les ont face à face et qu’ils maudissent quand ils les ont dans le dos, loin des yeux.
Gentils hypocrites malades du bonheur des autres, jaloux de la joie des autres, méprisant le bonheur quand il n’est pas de leur côté.
Gentils hypocrites grognons, ruminant, rugissant contre tous ceux qui leur portent ombrage…
Mais vivre c’est voir, comprendre et accepter. C’est savoir. Savoir dépasser, savoir pardonner, savoir oublier les charges inhibantes du passé qui font reculer. Vivre, c’est espérer, c’est projeter sa force de vaincre au-delà du présent, dans le vaste champ commun de demain, dans le train sans frein de l’éternel avenir… Nous devons pouvoir faire de chaque frustration, la nouvelle source d’une plus grande rage de prendre le dessus sur l’adversité... »

En relisant aujourd’hui ces lignes qui constituent les premières traces de mon exil, je suis fier d’une chose au moins : je tiens toujours à mon honneur et à ma dignité !

L’AMITIÉ

J’estime qu’une amitié sincère peut nous aider à supporter la misère de notre quotidien. C’est un long voyage de partage, de confiance et de confidences, un voyage au cours duquel nous pouvons découvrir dans le mystère fascinant de l’altérité, le miroir magique qui nous révèle notre propre être profond et grâce auquel nous pouvons renaître en arrondissant nos angles.
Voilà pourquoi je considère l’amitié comme une discipline de l’école de la vie, comme l’amour, comme la souffrance, comme la solitude, comme… la prison.