20.2.09

L’EXCISION : Contusions et confusions à profusion !

La dernière Journée internationale de lutte contre l’excision a encore délié des langues. Alors, on a tout entendu. Des propos amers et révoltants contre cette opération traditionnelle qui consiste, dans le meilleur des cas, à sectionner, chez la femme, le clitoris. Mais aussi des propos sibyllins, teintés d’hypocrisie, en faveur d’une pratique qui, même si elle n’est pas recommandée dans le Coran, n’aurait pas été condamnée par le Prophète Muhammad (SAW). Ce dernier aurait dit de faire en sorte que la douleur ne soit pas atroce. C’est de bonne guerre. De toutes les façons, parler de « lutte contre… » suppose l’existence de forces opposées.
Peu importe si les forces sont inégales, parce que des poches de minorités pèsent plus lourd dans la balance politique et sociale. Peu importe si certains individus cherchent à sacraliser un rite profane en jouant avec l’arme sensible de la religion. Peu importe si des types de leaders peuvent continuer à mentir pour se faire plaisir, pour continuer à faire souffrir la femme, en violant l’intimité de son corps, en lui volant une partie d’elle, l’âme de sa vie sexuelle, de sa vie de femme. Peu importe…
Mais les défenseurs de l’excision ne m’ont pas encore convaincu quant à la raison fondamentale de cette opération que je trouve inhumaine, barbare, inutilement douloureuse et anachronique. J’ai entendu dire que le clitoris est un pénis en miniature et que, pour achever la féminité de la femme, il fait lui arracher cet élément « masculinisant ». J’ai entendu dire que l’extrême sensibilité du clitoris expose la femme à la frivolité et que, pour calmer les ardeurs sexuelles de la femme, il faut lui enlever ce « truc » diabolique. J’ai entendu dire que le clitoris se développe et peut prendre des proportions inquiétantes capables de compliquer l’acte sexuel et que, pour libérer la femme de cet organe gênant, il faut le lui couper. J’ai entendu dire que l’excision est l’acte qui consacre la maturité de la femme et qu’elle est l’occasion pour les vieilles d’apprendre aux jeunes filles devenues femmes par l’excision, toutes les règles sociales leur permettant d’être bonnes épouses et bonnes mères. J’ai entendu dire que ceux qui militent en faveur de la lutte contre l’excision sont des pantins déracinés qui suivent à l’aveuglette ce que disent les Occidentaux. J’ai entendu dire… J’ai entendu dire…
J’ai bien compris ces efforts d’explication de l’acte d’excision mais rien ne peut me faire accepter que tout cela justifie la pérennité de cette pratique. Si le clitoris est un petit pénis, l’homme est-il mieux placé que Dieu pour juger de son opportunité sur le corps de la femme ? A propos de la sensibilité du clitoris, ignore-t-on encore aujourd’hui que le corps de la femme (comme celui de l’homme du reste) regorge de multiples zones érogènes dont le toucher peut produire le même effet que le pauvre organe victime de son emplacement ? Ignore-t-on toujours qu’il existe des produits en pharmacie qui rendent la femme hypersensible au toucher et que l’ablation du clitoris peut être compensée autrement ? Quant à la déformation ou à l’hypertrophie du clitoris, combien de femme en sont victimes ? Comment
peut-on le savoir d’avance pour pratiquer une opération en lieu et place d’un professionnel de la
santé ? Concernant la justification par la maturité, zéro pointé ! On excise maintenant, et cela de plus en plus depuis qu’on sait que les grandes filles se rebellent contre la pratique, des bébés âgés d’une
semaine !!! N’y a-t-il pas là déjà rupture avec la tradition ? Et pour quel résultat ?
Notre attachement à nos valeurs culturelles doit-il nous empêcher de raisonner en être humain disposant de nouvelles connaissances éclairantes sur la nature, sur le monde, sur la vie ? N’est-ce pas du nihilisme que de refuser de reconnaître que les raisons qui poussaient nos ancêtres à pratiquer l’excision ne sont plus valables de nos jours ? N’est-ce pas de l’obscurantisme que de nier que l’organisme humain aujourd’hui est plus fragile que celui d’hier, à cause de l’alimentation, des conditions climatiques, des nouveaux types de maladies, du mode de vie ? Quelle étrange souplesse que d’avoir les pieds dans le XXIème siècle et la tête dans le siècle de ceux qui pensaient que c’était le soleil qui tournait autour de la terre !
Mine de rien, nombreux sont les hommes qui soutiennent que l’excision est une pratique culturelle de socialisation de la femme à sauvegarder. Comme si un rite de passage ne peut pas se faire sans blessure. Il y en a qui fondent leur foi en la fidélité de la femme sur l’ablation de son clitoris, comme si l’on ne rencontrait pas aujourd’hui des femmes excisées plus frivoles que des non-excisées !
Du haut de leur ego de mâle souffrant d’un machisme primaire, d’autres cherchent – inconsciemment pour beaucoup – un certain équilibre de la douleur entre circoncision et excision, comme si la douleur de l’enfantement n’était pas suffisante. Comme si le prépuce était un organe de la même nature que le clitoris.
Côté chiffres, selon l’Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des Pratiques Traditionnelles (AMSOPT), le pourcentage d’excisées au Mali est passé de 92 % en 1975 à 85 % en 2009. Soit une baisse de 7%. En 34 ans ! A ce rythme, il faut attendre l’année 2179 pour atteindre les 50 % !!
Dans le monde, il semble que ce sont, par jour, environ 6 000 filles ou jeunes femmes qui subissent la rigueur de la lame castratrice avec ses meurtrissures physiques et morales ! Toujours dans la confusion des justifications inintelligibles. Parce que le clitoris ne serait pas bon. Mais on peut encore continuer à psalmodier que tout ce que Dieu fait est bon. Dieu est grand ! ALLAH OU AKBAR !

Bien à vous.

MINGA

L’ÉCOLE AUJOURD’HUI : Une usine à fabriquer des crétins malfaisants ?

« Monsieur je veut savoir a quel leur vous serré à la maison je souhait vous voire pour parlé un peut de ma mémoire je soutien dans deux moi… »

Le soir où, rentrant à la maison, j’ai vu et lu ce petit message asphyxiant laissé par un jeune étudiant que je connaissais bien, j’ai eu un profond déchirement au cœur. Et, depuis, je me pose des questions. Comment un étudiant en Maîtrise de Droit (FSJP de Bamako), peut-il être si tristement pauvre en orthographe ?! Comment a-t-il bien pu arriver là où il est aujourd’hui avec une carence aussi monstrueuse !? Ce jeune, j’avais déjà échangé avec lui à plusieurs reprises. Il m’avait souvent parlé de l’enseignement dans les écoles publiques, de ses maîtres qui ne parlaient que le bambara en classe, de ses professeurs qui ne mettaient aucune rigueur dans le travail, des passages en classes supérieures qui étaient parfois négociés par les parents auprès des directeurs, et tutti quanti.
C’est vrai, l’école publique paie chèrement aujourd’hui les dérives du déclenchement chaotique du processus démocratique des années 90. Dérives mal assumées par les gouvernants et leurs opposants. Des opposants qui cherchent le pouvoir en se comportant comme s’ils n’y accéderaient jamais et qui, une fois au pouvoir, se rendent compte que le serpent qu’ils charmaient est retourné contre eux. Dérives qui ont contribué à largement politiser l’école, à gravement fragiliser le système éducatif, à pitoyablement affaiblir les enseignants et à dangereusement… abrutir les élèves.
Les enseignants, plus préoccupées par des revendications politico-syndicales ont entraîné les apprenants, désormais plus marcheurs que bosseurs. La rue ou les effets de la rue ont fini par trop rapprocher maîtres et élèves devenus tous militants et camarades. Des voiles se sont déchirées et tout ce qu’il y a de sacro-saint dans l’âme du Maître s’est trouvé piétiné et renié. Le laxisme et la complaisance se sont alors installés dans les salles de classes, donnant naissance à l’inconscience, à l’incompétence et à l’obscurantisme. Ce phénomène de dégradation progressive du niveau scolaire n’est allé à l’insu de personne. Les élèves interrogés accusent les enseignants qui seraient absentéistes et incompétents . Les enseignants, eux, trouvent les élèves irrévérencieux et insouciants.
Les organisations de parents d’élèves suivent avec une attention presque lointaine l’agonie de l’école. Plus fortes quand elles sont du côté du pouvoir, elles ne réagissent jamais à temps, ni pour interpeller les autorités, ni pour ramener les élèves, leurs enfants, à la raison. De temps en temps, des déclarations de saupoudrage de la réalité en faveur des camps qu’ils défendent, en prenant soin de ne pas mouiller leur pain.
Et nos gouvernants dans tout ça ? Spécialistes de la pêche en eau trouble, les gouvernements des pays africains dont l’école souffrent du marasme intellectuel semblent se réjouir de la situation. Toujours prêts à brandir le budget alloué à l’éducation pour insinuer les efforts qu’ils font pour la jeunesse, ils restent incapables d’opérer des réformes profondes et courageuses qui puissent redorer le blason de l’école et redonner à l’intelligentsia nationale, l’éclat qu’elle mérite. Pour jeter la poudre aux yeux des partenaires qui défendent la qualité de l’enseignement, on organise ici et là des assises nationales, des forums, des journées de réflexion, des tables-rondes, des séminaires… On en sort avec des kyrielles de recommandations merveilleuses, poétiquement correctes, mais juste destinées à remplir les tiroirs.
L’école ? Elle peut continuer à s’agiter. Les élèves peuvent continuer à faire la loi en remettant en cause le rôle des départements chargés de l’éducation. Les enseignants peuvent continuer à menacer de faire la grève « à chaque arrêt » comme dirait l’autre.
Entre-temps, le niveau des élèves baisse, baisse et baisse. On ne lit plus, on parle mal, on écrit mal, Il n’est plus rare de trouver des élèves de Terminale qui ne peuvent pas écrire leur propre nom sans rature ! Mais à la fin de l’année, ils sont nombreux à avoir leur Bac. Ils rentrent à l’Université bourrés de tares et foisonnant de lacunes, pour la plupart.
La solution ? Les riches, s’ils n’envoient pas leurs enfants faire leurs études dans des écoles renommées de pays riches qui forment les élites destinées à diriger un jour, ils les inscrivent dans le privé, là où les enseignants sont payés au rendement et où la recherche de l’excellence n’est pas un vain mot.
Et les pauvres ? Ils n’ont pas le choix, les pauvres ! Leurs enfants sont condamnés à faire leur parcours dans le système pourri qui fabriquent des ignares. Ainsi, la logique de « la raison du plus fort » restera saine et sauve. Comme si les riches étaient nés pour gouverner et les pauvres pour encaisser. On a beau dire que la pauvreté est un état d’esprit, ce qui se passe chaque jour sous nos yeux porte à croire que la pauvreté est une malédiction divine.
Ça changera peut-être un jour, notre école. Mais pour le moment, c’est comme ça. L’école publique reste pour le peuple. Les enfants se débrouillent. Tant mieux si les plus doués peuvent se tirer d’affaire. Tant pis pour les autres. Ils vont grossir le nombre déjà important des générations de crétins malfaisants.
Entre-temps, l’école privée, elle se charge de garantir la transmission du savoir aux enfants des tenants du pouvoir.
Un jour, ça changera, notre école, Inch’Allah !.
Avant de nous séparer, laissez-moi vous donner la fin de la note de mon ami qui prépare son mémoire :
« … je pacérais pétête démain bonne soiré ».
Bien à vous.

MINGA

5.2.09

RENCONTRES DE BAMAKO, BIENNALE AFRICAINE DE LA PHOTOGRAPHIE


Des anguilles sous une roche mystérieuse

Dans neuf mois environ, Bamako, la capitale africaine de la photographie, accueillira la 8ème édition de la biennale photographique qui ne s’appellera plus « Rencontres africaines de la photographie » mais plutôt « Rencontres de Bamako, Biennale africaine de la photographie ». Peu importe le nom ! Cette grand-messe des chasseurs d’images du continent est une des rares occasions pour le continent de rassembler des professionnels de la photographie d’art de tous les continents pour célébrer, aux côtés des heureux bénéficiaires de l’exposition internationale, la beauté de l’image qui parle à tous les coeurs et à tous les âges.

C’est pour impulser une grande dynamique à cette prestigieuse rencontre en terre africaine que l’association suisse de coopération internationale Helvetas Mali a créé en 1998, le Centre de formation en photographie (CFP) de Bamako. L’objectif premier de ce centre étant de former de plus en plus de photographes professionnels capables d’enrichir la biennale par des œuvres de qualité.
En 2004, la France, le principal partenaire financier des Rencontres à travers Culturesfrance (anciennement Association française d’action artistique/AFAA) va créer une Maison Africaine de la Photographie à Bamako. Comme il existe à Paris la Maison Européenne de la Photographie.
Établissement public à caractère scientifique, technologique et culturel, ayant pour mission la collecte, la conservation, la promotion et la diffusion du patrimoine photographique africain, cette institution continentale va, par sa création, renforcer la conviction que la capitale malienne est vraiment en passe de devenir la plaque tournante de la photographie en Afrique.
Mais il y a problème ! On ne sait pas toujours avec précision qui gère la photographie au Mali. Le Directeur de la Maison africaine de la photographie, M. Moussa KONATÉ (nommé en Conseil de Ministres depuis plus de cinq ans) ou M. Samuel SIDIBÉ, directeur (depuis plus de vingt ans) du Musée national du Mali ?
On savait déjà que toutes les réunions liées à la photographie avaient lieu au Musée national. On savait aussi que M. Samuel SIDIBÉ était une personnalité incontournable dans les organisations antérieures des Rencontres de Bamako. On n’ignorait pas non plus qu’il y avait à la tête de la Maison africaine une sorte de triumvirat composé de MM. Samuel SIDIBÉ (archéologue), Abdoulaye KONATÉ (plasticien, directeur du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia) et Moussa KONATÉ (anthropologue) .
On savait enfin que la principale revendication de M. Moussa KONATÉ était l’obtention d’un siège propre à son institution, ne supportant plus de squatter les locaux des Archives nationales à l’ACI 2000...
Alors, si M. Moussa KONATÉ est indéniablement celui qui est, officiellement, le patron de la Maison africaine de la photographie, peut-on dire avec certitude qu’il est aussi celui qui gère la vie de la photographie au Mali et en Afrique ? Assurément, non.
Il y a donc problème ! Une preuve ? M. Samuel SIDIBÉ vient d’être nommé comme Délégué Général des Rencontres de Bamako, version 2009. Par Culturesfrance et le Ministère de la Culture du Mali. Et, selon le formulaire de l’appel à candidatures qui vient d’être publié, c’est à lui que doivent être adressés tous les dossiers de photographes africains désireux d’exposer en international. À lui ou à Culturesfrance. Le nom de la Maison africaine est à peine lisible. Invisible est le nom du Directeur de la Maison africaine de la photographie. Pourquoi ?
Pourquoi une Maison africaine si elle est incapable de prendre la relève de l’organisation d’une biennale qui existe depuis 1994 ?
Pourquoi nommer un Délégué Général des Rencontres africaines de la photographie autre que le Directeur de la Maison africaine ? Le Directeur du Musée national serait-il plus disponible ou est-il plus compétent que le Directeur de la Maison africaine de la photographie ? Que reproche-t-on en réalité à M. Moussa KONATÉ au point de confier à quelqu’un d’autre une tâche qui devait lui revenir de droit ? Le monde de la photographie au Mali serait-il miné par un jeu d’influences et d’intérêts cautionné par le Ministère de la Culture, au détriment de l’épanouissement des professionnels de l’image ? Le flou est trop dense et l’illogisme et l’arbitraire trop voyants pour qu’on n’en parle pas ! Peut-être percera-t-on un jour le mystère qui règne autour de la gestion de la photographie au Mali. On découvrira alors les grosses anguilles cachées sous la roche photo.
En attendant, on peut faire avec. Il paraît qu’au pays des paradoxes, qui s’émeut, se noie. Alors, clic, clac, qui veut ma photo ? Tant pis pour les grognons !

MINGA Siddick