30.3.09

AFFAIRE DJANGUINÉ-SADIO-MARIAM : Mariage ou mirage ?

Depuis le jeudi 19 mars dernier, une histoire flottant entre l’absurde et le rocambolesque nourrit toutes les conversations, à la maison, au travail, dans les grins ou même dans la rue. On assiste ainsi, sans trop s’en rendre compte, à la naissance d’une grande légende populaire qui, dans dix ans, cent ans, mille ans, va figurer dans l’almanach des contes et légendes les plus fabuleux de notre civilisation de plus en plus bancale. L’histoire sera alors bien assaisonnée et enrichie avec tous les ingrédients de la mystification savamment concoctés.
De quoi s’agit-il ? Monsieur Djanguiné Konté veut se marier. Un ami à son père lui fait une proposition. Il a sa griotte qui est prête à donner sa nièce en mariage. Cela convient à Djanguiné. Alors, très vite on met les petits plats dans les grands pour concrétiser l’union. En moins d’un mois ! Mais mademoiselle Gakou n’aurait vu son fiancé pour la première fois que le soir du mercredi 18 mars. Annoncé comme directeur d’une banque régionale à Kayes, le fiancé se serait présenté à sa dulcinée qu’il venait de découvrir comme un simple chauffeur. Le jeudi matin, tout se serait passé comme un bon matin de mariage. Jusqu’au moment fatidique de la célèbre question. « Oui », a dit l’homme. « Non », a répondu la femme. C’était à la mairie de Sogoniko (la commune VI du District de Bamako). De la bouche de ceux qui étaient tous là pour dire au couple « Heureux ménage ! », on entendait plutôt : « Que c’est dommage ! » Tant de mots ont déjà été dits ou écrits pour décrire l’atmosphère lourde de la salle : stupeur, horreur, douleur, indignation, humiliation, consternation, indicible, inadmissible, incompréhensible… ingnafognable* !!!

Puis l’ange Gabriel inspira une certaine Mariam. Décidément, les Marie ont de la chance ! Sortie de nulle part, la pauvre vendeuse de pâtés jusque-là inconnue, anonyme, va voler au secours du fiancé paumé, embrumé, assommé par les violentes déflagrations du NON magistral, cinglant et désormais canonique de la fiancée rebelle.

Un mariage sur fond de mirage est annulé in extremis. Un autre mariage, à la limite du surréalisme, va être célébré en remplacement. Mais pas à la mairie. Question de respecter la quinzaine entre la publication du ban et la célébration officielle. En attendant, la nouvelle mariée est devenue la plus grande star du premier trimestre 2009 au Mali. Ses photos s’arrachent comme de petits pains sur le marché du sensationnel et des radios de la capitale lui accordent des heures entières. Plusieurs personnalités et entreprises ont même décidé de sponsoriser le mariage miraculé – ou miraculeux ? – du siècle. Beaux réflexes de solidarité.

Mais au-delà de l’aspect « faits divers » de l’événement et de son goût « croquette », je crois que l’affaire Djanguiné-Sadio-Mariam révèle avec violence d’énormes problèmes dans notre société qui, après avoir perdu ses repères culturels, perd aussi son équilibre humain.

D’abord la mentalité qui a conduit à la conclusion d’une union sans que les deux intéressés n’aient eu le temps de se rencontrer, d’échanger, d’apprendre à se connaître**. Car le mariage n’est pas seulement qu’une affaire de volonté mais bien plus une affaire d’amour. Et l’amour n’est pas seulement un sentiment, c’est aussi une sensation. Et une sensation, c’est beaucoup lié à la dimension physique ou matérielle de la réalité de l’autre. L’omission de cette dimension n’empêche pas forcément la réalisation d’un rêve de mariage, mais un tel mariage résiste difficilement aux épreuves du temps et du milieu. Dans le cas de Djanguiné et Sadio, il semble que la mère et la tante de Sadio voulaient se faire de l’argent sur le dos de leur fille.

La fille aurait dit qu’elle ne voulait pas de cette union mais devant la menace de sa mère de la renier, Sadio aurait accepté de supporter la situation. Elle aurait donc décidé d’aller jusqu’à la mairie. Avec certainement sa petite idée derrière la tête. Devant une autorité témoin de la Loi, elle allait dire NON. Non pas pour humilier qui que ce soit, son malheureux fiancé ou sa famille, mais pour donner une leçon. Une leçon à tous ces parents qui n’ont pas encore compris que les temps ont changé pour de bon, et que des parents qui ne respectent pas les droits de leurs enfants ne méritent aucun respect de la part de ces derniers. Une leçon à tous ces parents qui croient pouvoir assouvir leur appétit de gain facile en ’’vendant’’ leurs filles à des hommes supposés riches. Une leçon à tous ces hommes qui pensent qu’un simple titre social peut suffire pour être « champion » sur n’importe quel terrain. Une leçon de droit à la parole, à la liberté de choix. Une leçon d’émancipation. Peu importe là où elle se donne cette leçon. Si des parents croient pouvoir abuser de leurs droits à la maison, pour imposer leurs choix à leurs enfants, ceux-ci peuvent leur donner publiquement la preuve qu’ils sont capables de renverser à vapeur, à tout moment et de la façon la plus inattendue qui soit. N’en déplaise aux ardents défenseurs de l’autorité suprême et indiscutable des parents. Des parents qui justifient par la tradition tout ce qui les arrange, mais vomissent sur cette même tradition quand elle les dérange. Les temps ont vraiment changé. Les mariages forcés ou arrangés sont d’un siècle révolu. Et une fille peut dire NON si cette négative lui permet d’affirmer sa féminité, que dis-je, sa personnalité, son statut humain. Oui, une fille peut dire NON. Même devant un maire. Et une fille doit dire NON si c’est pour mieux s’épanouir.

Voilà pourquoi je ne comprends pas que tout le monde voue Sadio aux gémonies et élève Mariam au rang d’une icône. Même si elle a dit NON parce qu’elle a fini par savoir que Djanguiné n’est pas directeur de banque mais chauffeur, Sadio a le droit de le dire à la mairie, si ailleurs on n’a pas voulu l’écouter.

L’autre problème social que révèle cette affaire, c’est la souffrance des femmes seules qui sont prêtes à tout pour avoir un homme. Comme la sacrée Mariam qui a fait preuve d’un courage inouï en allant se jeter dans les bras du fiancé déchu. Et si un tel acte a été possible, c’est aussi parce que les temps ont bel et bien changé. Mais, paradoxe de la raison humaine, on maudit Sadio pour avoir enfreint à la loi du respect des parents et on applaudit Mariam qui a choisi son mari de façon publique avant d’informer sa famille. Et Dieu seul sait combien de Mariam sont autour de nous, guettant toujours une fissure dans une union pour s’infiltrer et s’installer. Dieu seul sait combien parmi ces femmes qui vendent des beignets, des pâtés, des oranges, des bananes ou des arachides, sont des Mariam potentielles, passant par le biais du petit commerce pour rechercher un compagnon. Dès lors, je ne vois rien d’extraordinaire dans le comportement de Mariam qui, loin de sauver l’honneur bafoué d’un homme
« humilié » par une femme comme le prétendent certains, a tout simplement profité de ce drame social pour se caser. Elle ne savait pas que cet acte lui vaudrait la célébrité qu’elle connaît aujourd’hui, malgré elle. A chacun son étoile !


Sans minimiser l’extraordinaire élan de solidarité manifesté ça et là, je m’interroge sur la profondeur des liens dans le genre de mariage qui unit aujourd’hui Monsieur Konté et Mademoiselle Kanté, au-delà de la rime des noms. Bien sûr, je peux avoir tort de résister à la contagion populaire de l’enthousiasme autour d’un événement fantasmagorique. Et je ne peux pas m’empêcher de souhaiter « heureux ménage » au nouveau couple. Pourvu que, passée l’euphorie, ce mariage ne se transforme pas en mirage et qu’on ne se mette pas à jeter des cauris pour préserver l’essentiel.

Dans tous les cas, l’histoire retiendra qu’une certaine Sadio a dit un jour, devant Dieu et les hommes, mais surtout à ses parents cupides et à un mari imposé, un NON inoubliable. Et je lui dis : « Joli coup, Miss Gakou ! »

Bien vous.

MINGA Siddick

* Néologisme franlinké (français-malinké) signifiant : qu’on ne peut pas raconter.
** Je fais volontairement fi de la version selon laquelle Djanguiné et Sadio vivaient déjà ensemble depuis deux ans.

24.3.09

DÉMOCRATIE AFRICAINE

Les faux défis de Khaddafi

Le vent de la démocratie des années 90 a secoué sur le continent africain de vieux baobabs de la tyrannie et du despotisme. Devant la menace des Occidentaux de priver de jus les molosses du Sud qui n’abandonneraient pas leur façon éhontée de gouverner, de nouvelles inspirations ont fleuri partout, introduisant surtout en Afrique la notion du partage du pouvoir.
C’est alors que, dans de nombreux pays, après des sacrifices parfois inimaginables, grâce à des oppositions fortes, les Lois Fondamentales vont être « revues et corrigées » avec comme principale preuve de l’assimilation de la leçon de la Baule, la limitation des mandats à deux. De cinq ans chacun, en général. On avait même fini par s’habituer à cette expression modèle des nouvelles constitutions africaines : « Un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. »
On pouvait parler alors de contagion politique vu l’enthousiasme de tous les pays à s’inscrire dans le registre d’une « nouvelle ère démocratique ». Nombreux sont les intellectuels du continent qui ont applaudi ce changement de cap dans la gestion du pouvoir.
Bien évidemment, les plus heureux étaient ceux qui semblaient faire carrière dans l’opposition et qui voyaient défiler les années sans espoir d’être élus un seul jour à la tête de leurs pays. Parmi ces opposants, ceux qui ont vu s’ébranler de façon naturelle les obstacles à leur accession au trône ont commencé par introduire la « formule magique » dans la Constitution du pays. Ainsi, après la pluie des agitations politiques, il y eut comme un doux vent charriant une bonne dose d’espérance.
Des chefs d’État jadis infréquentables ont même changé leur fusil d’épaule pour se rendre non seulement sociable et serviable, mais aussi imaginatif et créatif.

Beaucoup de citoyens, anonymes comme moi, naïfs comme moi, ont cru à la fin de l’absurde en politique. C’était sans compter avec la corruptibilité du pouvoir et la perversité des hommes politiques dont la sagesse – si sagesse ils en ont jamais eu – s’effrite au fil de l’exercice.
L’effet de mode est vite passé et la fascination des hauteurs qui a pris le pas sur la bonne foi a provoqué le retour à la case départ. Les vieux démons ont refait surface. Alors, valses de modifications des Constitutions. Sans État d’âme. Pêle-mêle, on peut citer : le Gabon, la Guinée-Conakry, le Togo, le Cameroun, le Tchad, l’Algérie…
Je vais pouvoir m’empêcher de parler aujourd’hui de l’hypocrisie assassine des dirigeants occidentaux qui, en excellents marionnettistes, font danser leur tango démodé à nos chers présidents et qui, devant les hécatombes provoquées par leurs conseils, se déclarent « indignés » ou « attristés ». J’en parlerai plus tard, inch’Allah.

Je veux juste m’indigner et m’attrister, moi, face au recul démocratique en Afrique. Je veux m’indigner et m’attrister devant les comportements amnésiques des dirigeants qui, gonflés par des amitiés personnelles avec des politiciens européens ou par leurs propres rêves de déité, jettent aux orties des lauriers glanés dans la douleur, au prix du sang de la jeunesse africaine abondamment versé dans les années 90, pour voir se coucher le soleil des dictatures, pures et dures ou veloutées. Pour voir se lever le jour de la démocratie, la vraie, l’universelle. Je veux m’indigner et m’attrister devant l’exploitation abusive et sans vergogne du nom du peuple, pour humilier le peuple, pour assujettir le peuple, pour tuer le peuple. Le peuple sous les Tropiques a le dos si large ! Il porte tout. Il supporte tout. Avec un stoïcisme olympien. Quasi suicidaire.
Mais je veux surtout m’indigner et m’attrister face aux propos de celui qui dit œuvrer aujourd’hui pour les « Etats-Unis d’Afrique » et à qui le destin de l’Union Africaine – son bébé – vient d’être confié pour quelque temps.
"Je prends parti pour les amendements des Constitutions africaines. Je suis pour la liberté de la volonté populaire, il faut que le peuple choisisse celui qui doit le gouverner, même pour l'éternité… Ce que je voudrais dire, c'est qu'annuler ou supprimer tout article qui limite le mandat du président, ce n'est pas antidémocratique".
Voilà un extrait des déclarations de Sieur Kadhafi à l’occasion d'un banquet à la présidence nigérienne il y a quelques jours. Après son malheureux soutien explicite aux putschistes de Nouakchott. Personnellement, je trouve ces propos tristes et désolants de la part de celui qui, depuis plusieurs années déjà, apparaît comme le nouveau héraut de l’unité africaine, du panafricanisme.
A coup sûr, dans un pays on l’on parle de plus en plus d’amendement de la Constitution, ces phrases ne peuvent que donner des ailes au pouvoir pour mieux s’asseoir. A coup sûr, quand on connaît le poids du Guide en petro-dollars et son aura envoûtante dans la sous-région, ces paroles ne peuvent que donner des idées à d’autres dirigeants qui avaient secrètement cette envie de « faire la chose » mais manquaient encore de volonté et de courage.
Je crois que le président Muammar Khaddafi – un nom dont la complexité de l’orthographe est à l’image de l’ambiguïté du personnage – n’a pas pensé à la jeunesse en encourageant l’éternité au pouvoir. Il n’a pas pensé à l’avenir du continent qu’il dit aimer par-dessus tout. Il n’a pas pensé à tous ceux qui ont donné leur vie pour qu’enfin l’Afrique connaisse la paix durable grâce à la démocratie. Il n’a pensé qu’à lui seul et à tous ses pairs qui lui mangent dans la main et qui seront prêts à tout pour que lui, l’éternel Colonel – il est peut-être juste quelque part – soit le président à vie du futur pays qu’on appellera « Les Etats-Unis d’Afrique ». Lui qui est au pouvoir dans son pays depuis 40 ans ! Et qui sait si, dans l’histoire du continent, on ne parlera pas un jour de la dynastie des Khaddafi.
Si toutes les dernières déclarations de Khaddafi sont l’expression de défis qu’ils veut lancer à l’intelligentsia africaine, c’est bien son droit. Mais j’estime que les vrais défis sont ailleurs.

Et dire que moi aussi j’avais commencé à être séduit par cet homme ! Tiens, ma grand-mère avait donc raison, elle qui me disait souvent : « Il vaut mieux ne jamais prendre de mauvaises habitudes car, vois-tu, le vieux molosse ne laisse plus sa façon éhontée de s’asseoir. » Je comprends mieux pourquoi on dit que l’habitude est une seconde nature.

Bien à vous.


MINGA Siddick

12.3.09

LA FEMME AFRICAINE...


Une journée pour quoi ?

Chaque année, le 08 mars, je ne peux m’empêcher de voir défiler sur l’écran de mon esprit, tous les clichés liés à la femme qui conditionnent encore malheureusement la vie de nombre d’entre elles.
La femme : Bête de somme, Bonne à tout faire, Belle et bête, Bombe sexuelle. Cette femme-là, elle existe encore hélas partout, dans tous les villages, toutes les villes, tous les pays.
Même si aujourd’hui on peut se réjouir du progrès réalisé par les hommes dans la reconnaissance aux femmes de leur droit à l’éducation, à la promotion sociale, à l’émergence politique, il est important de dire que la majorité des femmes sont encore dans les fers des préjugés socioculturels et sous le joug d’une phallocratie qui a encore de beaux jours devant elle.
L’institution par les Nations Unies d’une journée internationale de la Femme est, à mon sens, une opportunité donnée à nos mères, nos sœurs, nos épouses, qui ont eu la chance de se libérer du carcan de la domination mâle, pour éclairer et aider à s’affranchir celles de nos mères, nos sœurs et nos épouses qui vivent encore douloureusement leur féminité qu’elles considèrent comme la rançon légitime de l’impertinence supposée d’Éve dans le Jardin d’Éden. C’est aussi une occasion donnée aux hommes pour mesurer le degré de leur tolérance à l’égard de l’autre sexe qui doit être traité non plus comme « faible » ou simplement « beau », mais plutôt comme « égal », c’est-à-dire aussi fort et dépouillé des fioritures de la misogynie.
Ainsi, chaque 8 mars, les femmes sont appelées à faire le bilan de leur parcours de battantes et de combattantes pour le droit à la parole et à l’équité du genre. Elles doivent aussi prendre la mesure du chemin à parcourir pour amener d’autres femmes (notamment les analphabètes et les souffre-douleur des campagnes et des bidonvilles) au même stade d’émancipation et d’épanouissement qu’elles.
Mais est-ce bien cela que nous constatons le 8 mars ? Je crois que non. La contagion du folklore des politiques a pris le pas sur la signification profonde de la Journée qui dès lors se limite à des parades solennelles, des exhibitions colorées organisées par des femmes regroupées par affinités pour se fêter elles-mêmes, festoyer, raconter des histoires drôles sur les hommes dont elles peuvent jouer les rôles… Juste pour montrer aux hommes qu’on peut être femme et ne pas être soumise.
La situation des femmes illettrées ou analphabètes, des femmes battues, des femmes harcelées, des femmes violées, des femmes excisées, des femmes malades de l’hépatite, du cancer, du paludisme, du sida, des femmes-appâts utilisées nues à la télé pour de la publicité, des femmes-objets des clips appelées à mettre en valeur leurs rondeurs pour le plaisir de (téle)spectateurs, des femmes condamnées à se prostituer pour survivre et parfois même faire survivre leurs familles, la situation de ces femmes-là, on en parle peu ou pas du tout.
Et, en général, ce sont les politiciens, véritables opportunistes tout-terrain, qui essaient d’en parler. Juste pour se faire remarquer et donner à croire qu’ils sont conscients de cette situation. La vérité, on la connaît.
Je me pose finalement la question de savoir si la femme a vraiment besoin d’une journée internationale pour se rappeler sa féminité et se moquer des hommes ?
Nos femmes écrasées par le poids du machisme de notre société ont-elles démissionné au point de ne retenir dans la célébration du 8 mars que la triptyque « défilé-discours-festin » qui n’aide en rien celles qui ignorent encore tout des inconvénients de l’excision, du mariage précoce, du lévirat et des grossesses rapprochées ?
Dans ce cas, il vaudra mieux abandonner la célébration du 8 mars. Ça nous fera moins de folklore. Mais je tiens à faire une précision : je ne suis pas féministe et je suis loin d’être anti-féministe.
Je serai prêt, à coup sûr, à militer en faveur de l’institution d’une Journée internationale de l’homme si la polyandrie se généralise. S’il y a de plus en plus d’hommes battus par leurs femmes. Si tous les pays sont gouvernés par des femmes qui refusent le travail des hommes. Si l’homme est appelé « sexe faible » ou « sexe laid ». Si… Safroulaye !

Bien à vous.

MINGA Siddick

MUGABÉ, EL-BÉCHIR…


Des os dans la gorge !

S’il y a en Afrique des personnes qui déplorent tout ce qui a un relent néo-colonialiste ou impérialiste dans les rapports entre notre continent et les actuels descendants des colons, j’en fais partie. S’il y en a qui comprennent mal la logique du « deux poids, deux mesures » que semble appliquer ce monstre hybride appelé « Communauté internationale » qui semble ne reconnaître vraiment un péché que lorsqu’il est commis par un Africain, je suis de ceux-là. L’honneur et la dignité du continent noir sont pour moi sacrés et inaliénables. C’est justement pour cela que je refuse de soutenir des « roitelets » africains imbus de leur carence, de leur arrogance et de leur capacité de nuisance qui couvrent d’opprobre le continent. Les arguments avancés ça et là pour défendre ces « roitelets » - j’adore ce mot de Robert Ménard de Reporters sans Frontière - me semblent à la fois insuffisants et complaisants

Par exemple, certains intellectuels de chez nous pensent que Robert Mugabé est injustement victime d’un acharnement des Occidentaux à cause de son franc-parler et de sa politique ultra-nationaliste. « Les Blancs sont contre le pauvre Mugabé parce qu’il les empêche de piller son pays », ai-je maintes fois entendu dire autour de moi. C’est une façon de comprendre le bras de fer entre Mugabé et les parrains du Nord. Mais moi, ma réflexion, je l’oriente autrement. Mugabé est-il un président démocrate ? Milite-t-il en faveur du bien-être de son peuple ? Fait-il au quotidien tout ce qu’il peut faire pour réduire le taux de misère et de paupérisation des populations des villes et des campagnes ? La fameuse réforme agraire engagée en 2000 fait-elle plus de bien que de mal aux Zimbabwéens ? Les images de femmes et d’enfants affamés ou mourant de choléra sont-elles réelles ou inventées par les médias ? Le taux d’inflation de 100 000 % (le plus important au monde) est-il aussi une vue de mauvais esprits ou une machination ? Pourquoi « le pauvre Mugabé » s’entête-t-il à nier que les choses vont mal dans son pays ? Ce nihilisme effronté est-il un ingrédient de son nationalisme exacerbé ou une simple cuirasse contre le déshonneur ? Est-ce normal qu’après 28 ans au pouvoir, celui qui vient de fêter avec faste ses 85 bougies pense encore à un septième mandat ? Tous ceux qui soutiennent Robert Mugabé aujourd’hui sont-ils vraiment de bonne foi ou sont-ils tout simplement emportés par un africanisme irrationnel ? Sont-ils prêts à accepter que le président de leur pays se conduise comme Mugabé et que leur pays se trouve dans la même impasse économique que le Zimbabwé ? Je n’en suis pas certain. Mugabé sait qu’il a dans la gorge un os très dur mais il a des sympathisants sous hypnose qui donnent de la voix.

Il en va de même pour notre cher Béchir. Il reste solide comme un roc face à toutes les critiques à l’endroit de ses miliciens (les Janjawids) qui sèment la mort et la désolation sur leur passage au Darfour. Ce territoire de l’ouest du Soudan ou plus de 300 000 personnes ont déjà péri. Il se moque de la justice divine, a fortiori de celle des hommes. Aujourd’hui encore, des voix s’élèvent pour le soutenir depuis que le mandat d’arrêt contre lui est effectif. On crie au complot, et à l’injustice. On crie à la volonté de créer le chaos. Comme si le chaos n’était pas déjà installé là ! Comme s’il faut attendre qu’il y ait plus de morts, plus de blessés, plus de déplacés, plus de réfugiés, plus de désespérés ! Alors on parle d’une autre solution à la crise. Quelle est cette autre solution et pourquoi n’a-t-elle pas été encore trouvée depuis 2003 ? Et, considérant la chasse aux ONG humanitaires du Darfour comme la conséquence logique du mandat d’arrêt contre le président soudanais, personne ne s’émeut outre mesure du sort réservé aux hôtes des camps de réfugiés. Ils peuvent mourir. Ainsi, même si Omar El-Béchir a un gros os dans la gorge, il peut avoir confiance en ses suiveurs qui battront le pavé pour lui, pour donner l’impression que c’est lui le seul maître à bord.

Mais ce qui me paraît le plus intéressant dans les cas Mugabé et El-Béchir, c’est la réaction parfois épidermique de certains chefs d’État du continent. Il y en a qui piquent des crises de nerfs dès qu’on parle de condamnation, de justice international, de mandat d’arrêt. Loin de penser que leurs pairs sont innocents, ils ont peur pour eux-mêmes et se sentent obligés de soutenir les autres pour être soutenus à leur tour. Parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas propres, eux non plus. Parce qu’ils savent que la roue de l’histoire tourne et qu’un jour le maître peut se retrouver à la place de l’esclave et l’esclave à la place du maître. Parce qu’ils savent que la vérité et la justice finissent toujours par triompher. Alors, on soutient. À tout vent. On voit des mains noires, des services secrets, des ennemis, des rebelles. On voit le diable partout. À force de l’invoquer peut-être. Et les contradictions que révèlent ces réactions, nul n’en a cure. On est démocrate. On lutte contre l’impunité, la bonne gouvernance, la justice sociale. On travaille pour la paix. Pour le reste, les autres peuvent dire ce qu’ils veulent.

En attendant une vraie justice internationale indépendante et crédible, et l’avènement d’une vraie race de dirigeants africains, nos présidents-pantins jouent leur petite comédie sur la scène internationale. Pendant que les pro-Béchir envahissent les rues au Soudan et que les pro-Mugabé assurent au Zimbabwé, les autres membres du syndicat africain des chefs d’État les soutiennent. Bon an, mal an.

Du coup, ces cas deviennent de véritables os dans la gorge de la fameuse communauté internationale qui doit savoir qu’il ne faut pas s’attendre à ce que qu’une mouche produise du miel. On ne peut pas non plus faire le bonheur d’un peuple contre le gré de son « guide éclairé », de son supposé « libérateur » ou « père fondateur », surtout pas sous les Tropiques où tous ceux qui prennent le pouvoir perdent la raison.

Bien à vous.

MINGA Siddick