26.2.10

CÔTE D'IVOIRE : ivoirité, iniquité, méchanceté ou la redescente aux enfers ! (3ème Partie)

Avant d’aborder la dernière partie de ma réflexion sur la situation en Côte d’Ivoire, il me plaît de saluer l’acte courageux et patriotique des militaires nigériens qui ont osé montrer à Mamadou Tandja qu’il y a coup d’État et coup d’État. A un coup d’État constitutionnel qui a fermé toutes les portes aux négociations et à l’épanouissement de la démocratie, au nez et à la barbe de grands « censeurs » de l’Union africaine, les militaires ont préféré un coup d’État, que dis-je, un coup d’éclat qui libère le peuple nigérien. N’en déplaise aux esprits chagrins, aux raisonneurs obscurs et aux moralisateurs obtus qui se perdent dans les labyrinthes de leur syllogisme handicapé sur la démocratie. N’en déplaise aux super « démocrates africains » ( ?) atteints d’anachronisme intellectuel.
Tous ceux qui aujourd’hui, condamnent le putsch de Niamey devraient avoir honte de n’avoir rien fait quand Tandja a dissout l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle, quand il a organisé un simulacre de referendum pour légaliser son illégitimité, quand il a organisé une caricature d’élection législative pour se créer une cour de suiveurs. Avec une certaine pudeur de mauvais aloi, ceux-là défendaient un certain principe de « non-ingérence » dans les affaires intérieures d’un État souverain. Maintenant que d’autres Nigériens se lèvent pour mettre fin à la perfidie, aux vilenies et à la chienlit, on sort des principes de la « démocratie » en vigueur à l’Union africaine. Comble d’hypocrisie ou de mauvaise foi ! J’ai bien aimé le trait d’esprit d’un opposant nigérien qui, aux premières heures de ce « Ouf d’État », a déclaré sur RFI que coup d’État pour coup d’État, il préférait « l’original à la copie », faisant allusion aux tripatouillages de Tandja pour s’offrir un bonus de trois ans à la tête du pays. Comme si gouverner était un jeu d’enfant.
Je me sens foncièrement démocrate, voilà pourquoi je soutiendrai toujours tous ceux qui viendront rappeler à l’ordre des chefs d’État têtus et indécents qui se moquent de leurs populations et les étouffent dans l’expression de leurs droits les plus élémentaires. On me dira qu’on ne peut pas être démocrate et soutenir un coup d’État. C’est peut-être vrai. Mais ne dit-on pas que « quand vous dansez avec un aveugle, il faut souvent lui marcher sur les pieds pour lui faire comprendre qu’il n’est pas seul » ? Peut-on parler de bon sens à quelqu’un qui n’a pas le sens du bon ? Pour le reste, on prend le temps à témoin.

Revenons donc à la Côte d’Ivoire. Débarrassé en 2002 de Guéï Robert, le balayeur gênant, Gbagbo Laurent, le boulanger, hors de danger, gère la crise à sa guise. Les dates des élections se suivent depuis 2005 et ne se respectent pas. Personne ne veut réagir pour mettre les pendules à l’heure dans une Côte d’Ivoire prise en otage par des soi-disant « patriotes ».

Aujourd’hui, avec les manifestations sanglantes qui ont lieu dans plusieurs villes du pays, peut-on encore parler d’élections paisibles, justes et transparentes en 2010 ? Ne sommes-nous pas à la case départ avec la résurgence de la crise identitaire qui a conduit à l’attaque rebelle de septembre 2002 ?

La Commission électorale indépendante (CEI) qui a été dissoute vient d’être reconstituée. Avec un président clairement identifié comme membre du PDCI de Bédié. Dans le nouveau gouvernement censé ne comporter que des technocrates mais pas de ministres partisans, on reconnaît avec netteté des ministres FPI qui font la campagne pour Gbagbo. Quid des ministres de l’opposition qui entreront dans ce gouvernement ?
En attendant de connaître les noms de ces ministres, Blé Goudé et ses amis « patriotes » menacent de descendre bientôt dans les rues de la Côte d’Ivoire pour une démonstration de force. Parce qu’ils ne sont pas d’accord avec la composition de la nouvelle CEI. En finira-t-on un jour, en Côte d’Ivoire ?

Depuis 2006, je fais partie de ceux qui pensent que les Nations Unies devraient trouver un moyen exceptionnel (différent de la tutelle) pour gérer la Côte d’Ivoire. Le temps de résoudre tous les problèmes liés à l’identité, sous une autorité neutre. Le temps de panser les plaies, les meurtrissures de l’ivoirité. Le temps de faire réfléchir les politiciens à ce qu’ils veulent vraiment faire de ce pays. Mais, au nom d’une quelconque souveraineté dont personnellement je ne perçois pas la consistance en ces temps de déchaînements incontrôlables de passions identitaires vengeresses, des voix condamnent l’implication des nations Unies dans la gestion du pays. N’est-ce pas une fierté mal orientée quand, face à un chaos contre lequel nous ne pouvons rien, nous refusons la couverture d’une institution capable de nous aider ? Faut-il laisser chavirer le navire ivoire au nom d’un certain nationalisme à la Mugabé, en reniant l’histoire de la construction de la Côte d’Ivoire ? Faut-il toujours qu’on attende l’irréversible pour intervenir ? Peut-on parler d’ingérence dans les affaires intérieures d’un État s’il s’agit de protéger la majorité de la population de cet État contre la rage meurtrière d’une minorité enivrée par le pouvoir ? Doit-on désespérer de la Côte d’Ivoire ? Doit-on ne rien attendre des Nations Unies ? Tant de questions !

Je reste cependant convaincu que ceux qui ont semé les grains de cette ivraie appelée ivoirité payeront pour tous les crimes qu’elle provoque. Alors, on reconnaîtra une Éburnie plus humaine, pleine de la crainte de Dieu, ouverte sur le monde, dépouillée de toutes les formes d’iniquité et de méchanceté gratuites et de tous les conflits identitaires anachroniques, absurdes, inutiles. Cette Côte d’Ivoire-là, je l’espère vivement.

Bien à vous.

MINGA

CÔTE D'IVOIRE : ivoirité, iniquité, méchanceté ou la redescente aux enfers !

Les événements se précipitent en Côte d’Ivoire où la crise s’installe de plus en plus profondément dans le tissu social. Comme promis, nous allons revisiter ensemble la période allant du coup d’État de Guéï Robert à la rébellion de 2002 (et non 2009 comme cela avait été mentionné par une erreur dans la chronique précédente).
Le coup d’état du 24 décembre 1999 qui voit le général Guéï Robert prendre le pouvoir, est l’expression du ras-le-bol des militaires qui ont fini par comprendre les souffrances des populations et se sont dits qu’il fallait agir vite pour éviter une guerre civile à la Côte d’Ivoire. Il n’y a qu’à voir la liesse populaire dans les rues de la plupart des grandes villes du pays pour se rendre compte du sentiment de soulagement général des Ivoiriens qui apprécient à sa juste valeur la beauté du cadeau que le Père Noël vient de leur offrir.

Guéï Robert jouissait déjà d’une aura de héros, lui qui avait, à la veille de l’élection présidentielle de 1995, perdu son poste de Chef d’État-Major de l’armée ivoirienne, pour avoir refusé de faire sortir l’armée pour mater les populations qui suivraient le mot d’ordre de « boycott actif » lancé par Laurent Gbagbo et son ami intime de circonstance d’alors, Alassane Dramane Ouattara. Et quand, quelque temps après le coup d’État du 24 décembre 1999, Alassane rentre de son exil forcé en France, le Général sera considéré comme un vrai redresseur des torts.
Entre-temps, Bédié avait modifié l’article 35 de la Constitution de sorte que, sans ambiguïté, il élimine de la course au pouvoir son ennemi intime ADO. Un extrait de cet article :
« … Il (le candidat à l'élection présidentielle) doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine. Il doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit jamais s’être prévalu d’une autre nationalité. Il doit avoir résidé en Côte d’Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé 10 ans de présence effective… »

Guéï Robert voulait montrer sa bravoure en modifiant à son tour ce qui, dans cet article, sentait trop l’ivoirité : «… né de père ET de mère… ». Il mettra ’’OU’’ à la place du ’’ET’’ mais le lavage de cerveau de Bédié avait bien réussi : Le ’’ET’’ va être maintenu in fine.
Puis, on sentira le changement dans les propos du Général. L’ivresse du pouvoir a fini par faire perdre la raison à celui qui avait dit qu’il était venu juste pour balayer la maison et repartir. Il voulait désormais habiter la maison. Ses parents de l’Ouest lui ayant dit qu’ « un garçon ne balaie pas et ne pêche pas du poisson pour son ami garçon ». Puisque Bédié avait laissé entendre que seuls les baoulés étaient nés pour gouverner, il fallait lui prouver que les dan aussi pouvaient diriger ce pays.
Mais c’était sans compter avec Laurent Gbagbo. Ce dernier portait l’espoir des bétés qui voulaient absolument se venger du massacre, en 1970, de 4 000 paysans guébiés (tribu de la région de Gagnoa, au Centre-ouest) par l’armée de feu Félix Houphouët-Boigny, suivi de l’enlèvement et de la disparition du plus célèbre fils de la région, Jean-Christophe Kragbé Gnagbé. Le bélier de Yamoussoukro n’avait pas supporté que ce dernier lui exigeât le multipartisme à cette époque-là.
Et comme Gbagbo considère la politique comme un jeu de ruse où il faut jouer avec les cartes de l’opportunisme et des opportunités, il se lie d’amitié avec le Général. Les deux concluent un pacte dont le contenu exact reste obscur. Toujours est-il qu’Allassane Ouattara sera exclu, contre toute attente, de la présidentielle de 2000. Le balayeur, qui n’avait pas encore découvert les talents de boulanger de son nouvel ami, va dormir sur ses lauriers pendant la période des campagnes électorales, pour se réveiller en sursaut un jour, au moment où les résultats sont en train d’être proclamés au compte-gouttes, qu’il est le vainqueur du scrutin et que l’autre est en train de lui voler sa victoire.
Gbagbo jette ses militants dans la rue. ADO, à son tour, dit à ses militants que le pouvoir est dans la rue et qu’il faut aller le chercher pour lui. On connaît la suite. Carnage. Massacre. Assassinat organisé des « envahisseurs », comme on appelait aussi les originaires du Nord. Charniers. L’enfant prodige de Gagnoa s’installe au pouvoir et certains de ses partisans incontrôlés commencent à poser des actes de vengeance contre des baoulés et des nordistes appelés communément dioulas…
On organise des journées de réconciliation nationale qui, en réalité, ne contribuent qu’à ouvrir des plaies cicatrisées ou en voie de l’être. Mais on conclut que tout s’est bien déroulé. Malheureusement, l’ivoirité va revenir à la surface.

Le 19 septembre 2002, des déserteurs de l’armée nationale, en majorité originaires du Nord et de l’Ouest, aidés par des groupes de politiciens aigris ou mécontents, vont décider de descendre sur le Sud. Ils veulent prendre par la force le pouvoir, pour réparer l’injustice en cours contre ADO et les populations frustrées dans l’expression de leur identité. Le balayeur est assassiné avec des membres de sa famille. La rébellion est étouffée dans l’œuf, mais elle tient bon en maintenant le pays coupé en deux…
La semaine prochaine, je partagerai avec vous mon opinion sur la gestion de cette crise ivoirienne.

Bien à vous.

MINGA

12.2.10

CÔTE D'IVOIRE : Ivoirité, iniquité, méchanceté ou la redescente aux enfers

Depuis quelques jours déjà, un voile d’angoisse et de peur est en train de couvrir, en Côte d’Ivoire, la grande lueur d’espoir née des accords de Ouagadougou. La pauvre Éburnie qui revient de loin va-t-elle encore sombrer dans le chaos des armes ? La préférence identitaire qui semble revenir au galop va-t-elle rendre la haine plus forte que l’amour, la guerre plus facile que la paix ? La méfiance va-t-elle l’emporter sur la confiance, l’amitié et la fraternité ? Le mensonge politique va-t-il démonter tous les beaux songes simplement humains d’un peuple fatigué par la mesquinerie de ses leaders d’opinion ? Rappelons quelques faits à l’origine de cette crise née de l’exploitation politique tendancieuse d’un concept identitaire ambigu : l’ivoirité.

En 1993, Henri Konan Bédié, alors président de l’Assemblée nationale, a hérité tout de suite du fauteuil présidentiel de feu Félix Houphouet-Boigny. La façon à la fois cavalière et spectaculaire dont le dauphin constitutionnel a pris le pouvoir à la télé ce jour-là, avec l’aide de l’armée française et le premier lapsus du nouveau président qui demanda aux Ivoiriennes et aux Ivoiriens de se mettre à sa disposition, ne trompa personne sur une soif du pouvoir qui devenait intenable. Alassane Dramane Ouattara a dû quitter la primature pour regagner le FMI, comme directeur adjoint. Même si Bédié gagne les élections de 1995, il sait que pour garantir son assise et remporter toutes les autres élections à venir, il doit tout faire pour éliminer ce technocrate encombrant et très ambitieux originaire du Nord.

En 1996, un groupe d’universitaires ivoiriens proches de Bédié publie un document dénommé « L’ivoirité ou l’esprit du nouveau contrat social du président Henri Konan Bédié ». Mais la période choisie pour la publication de ce document n’est pas fortuite car, celui qu’on appelle le fils d’Houphouët-Boigny cherche, par tous les moyens, des arguments pour empêcher la candidature d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) en 2000. Ce dernier aurait un père burkinabé et il a surtout été vice gouverneur de la BCEAO, un poste réservé au Burkina-Faso. Mais au-delà de la personne d’ADO, ce sont tous les Ivoiriens du Nord ou portant des patronymes malinké qui sont visés par cette notion d’ivoirité. Du coup, on vient de catégoriser la nationalité ivoirienne : d’un côté les Ivoiriens dits « de souches multiséculaires » comme les baoulés, et de l’autre les Ivoiriens dits « de seconde zone » ou « de circonstance ». Et si les populations du Nord semblent être les principaux concernés par cette forme d’exclusion, il est important de préciser que de nombreux ressortissants de l’Ouest de la Côte d’Ivoire, d’ethnie dan (ou yacouba) portent les patronymes Touré, Koné, Bakayoko, Soumahoro, Haïdara… Tous ceux-là aussi souffrent autant que les populations du Nord, des tribulations liées au délit de patronyme, lors des contrôles policiers ou dans les services publics au moment de se faire établir une carte d’identité ou un certificat de nationalité. On ne tarde pas à entendre parler de « délit de faciès » quand les policiers commencent à s’en prendre à des citoyens sur la base de simples présomptions de ressemblance à des étrangers. Car, être du Nord signifie être Malien ou Burkinabé, entre autres, donc être étranger.

À cause de cette notion d’ivoirité, mal définie et mal défendue, des foyers de tensions sociales vont naître un peu partout en Côte d’Ivoire où ceux qui se considérent comme « vrais ivoiriens » attaquent les allogènes qui travaillent dans les plantations dans leurs régions.
La publication par Bédié de son livre autobiographique « Les chemins de ma vie » et tous les commentaires qui l’accompagnent ne font qu’envenimer l’atmosphère déjà délétère d’un enfer en puissance. Mettant son ethnie au-dessus de toutes les autres, Bédié ne fait rien pour apaiser les colères de ceux qui se voient spolier de leur nationalité du jour au lendemain et qui ne savent plus à quel saint se vouer. Bien au contraire, avec mépris, suffisance, arrogance et insolence, il traite ceux qui, selon lui, ont « les jours pairs, une nationalité et les jours impairs, une autre nationalité », faisant allusion à Alassane Dramane Ouattara, son principal allié d’aujourd’hui. Profitant d’une interview au cours de laquelle ce dernier a soutenu qu’il est combattu par le pouvoir parce qu’il est musulman, le débat sur l’éligibilité et la nationalité produit une nouvelle ramification, aggravant le mal-être ivoirien : le délit religieux. Dès lors, même s’habiller comporte une grande part de risque dans certains milieux. Porter un grand boubou par exemple, signifie d’emblée être musulman, c’est-à-dire originaire du Nord, c’est-à-dire « Ivoirien de circonstance », c’est-à-dire étranger, c’est-à-dire Malien ou Burkinabé ou Guinéen ou Nigérien, donc « envahisseur », donc « ennemi de la Côte d’Ivoire ».
La semaine prochaine nous revisiterons de la période du coup d’Etat de Robert Guéï à la rébellion de septembre 2002.

Bien à vous.

7.2.10

POLITOSCOPE AFRICAIN : Les pouvoirs du ridicule



Le spectacle que nous offrent certains dirigeants actuels des pays africains est détestable, lamentable, triste et désolant. Un parcours rapide des actualités du continent nous donne la dimension du ridicule qui règne dans la gouvernance. Heureusement que sous les Tropiques, le ridicule ne tue pas, n’humilie pas, mais il ennoblit.

En Guinée, le Premier ministre sorti des côtes de l’opposition a du mal à former son gouvernement sur lequel reposent déjà tous les espoirs d’un nouveau départ pour le pays. Comme quoi, c’est plus facile de s’opposer que de proposer. Le vrai maçon, c’est vraiment au pied du mur qu’il se connaît. Alors on attend Doré qui prend son temps avec tant de regards tournés vers lui. Évidemment, cela n’augure rien de rassurant, mais que faire ? Avec le verdict de la Commission nationale d’enquête sur les sauvageries du 28 septembre 2009, on a compris à quel point certains citoyens, fiers de se faire appeler « intellectuels », peuvent pousser la malhonnêteté au-delà de l’inhumanité, au nom de desseins obscurs. Toumba Diakité, grand « coupable », est introuvable (même si on connaît des gens qui savent où le trouver) ; les leaders de l’opposition, ''principaux responsables'', bénéficient d’une amnistie au nom de la « réconciliation nationale ». Avec un tel résultat, qui a vraiment intérêt à se fâcher ? Personne. Sinon, ceux qui ont perdu leurs parents, amis et connaissances. Mais ceux-là, ils font partie du peuple. C’est-à-dire de la masse anonyme sans voix qui ne cherche qu’à survivre et qu’on utilise comme bétail électoral au moment des batailles pour le pouvoir. Quand le pouvoir a décidé, qui peut dire quoi ?

Au Niger, le président, toujours droit dans ses bottes, persiste et signe : pas question de dialoguer avec l’opposition si elle continue de refuser de reconnaître la légitimité de son coup de force constitutionnel qui lui donne pour le moment un bonus de trois ans au pouvoir. D’ici la fin des trois années, on aura fini de créer toutes les conditions légales de sa mort au pouvoir. Cette chose qu’on appelle « Communauté internationale » peut crier, gesticuler, menacer, elle finira par se taire. De toutes les façons, la grande France est là pour protéger le pays contre une quelconque volonté de le marginaliser. Après tout, qui a le monopole de la démocratie sur qui ? Les marcheurs peuvent user les semelles de leurs chaussures. Ça ne peut qu’aider les cordonniers à s’en sortir. Qui dira après que l’État n’a aucune politique de soutien aux secteurs informels ? Tandja ne dort pas. Mais il rêve, rêve, rêve. Comme ses autres compères du syndicat des chefs d’État. Normal.  

En Côte d’Ivoire, l’heure est à la palabre. Entre ceux qui veulent que les élections se tiennent et ceux qui n’ont pas intérêt à ce que le pays sorte de l’illégalité et de l’illégitimité chroniques dans lesquelles il s’enfonce depuis déjà cinq ans, la durée de tout un mandat ! En suivant de près cette affaire scabreuse de liste frauduleuse au sein d’une CENI ténébreuse, on se dit que l’élection présidentielle de 2010 reste une vraie nébuleuse. On se dit aussi qu’un malin est tombé sur plus malin que lui. Le Président avait donné sa confiance à Beugré en le nommant à la tête de la CENI et pour lui, le nombre important des représentants de l’opposition ne pouvait aucunement entacher le travail de ce dernier. Mais on dit au pays : « Qui est- fou ? Quand y a occasion-là, faut profiter dê ! Sinon, pour toi est mort… » Voilà qu’on parle de plus de quatre cent mille « électeurs clandestins potentiels » qui pourraient « voler » la victoire au Christ de Mama. Maintenant que ce danger est perçu, on veut changer de président de la CENI et on demande à Beugré de démissionner. Pour  le moment, le patron de la CENI fait de la résistance. Mais s’il partait, qui mettrait-on à sa place ? Peut-être un mouton à la solde du pouvoir. Une autre aventure pour d’autres incertitudes ! Dur, dur, d’être démocrate en Afrique. Mais on y arrive toujours avec de très bons présidents-boulangers.

Au Sénégal, le super Gaïndé de la Téranga attend certainement avec beaucoup d’impatience une réaction positive massive des Haïtiens, à son appel pour leur retour sur le continent africain, quelque part au Sénégal, peut-être. Au moment où les débats sur une autre candidature de Wade à la présidence de la République ou de sa succession par son fils Karim faisaient rage dans la presse privée sénégalaise, le tonitruant Abdoulaye a profité du drame haïtien pour jeter un pavé dans la mare très trouble du continent. En parlant comme au nom de ses pairs africains, le plus beau président de l’Afrique de l’Ouest n’a certainement pas réalisé à quoi il engageait le continent, là où ses mots de compassion et l’aide financière du Sénégal auraient suffi. Mais quand on veut mourir au pouvoir, on a les meilleures idées pour créer des électorats comme on peut. A moins que papy Wade-la-gaffe ne montre, par ses déclarations décalées, ses premiers symptômes de gâtisme.

Au Mali, le PDES a mal au foie. En plus du fil que l’antenne AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) du Mali donne à retordre au Président malien, jusqu’à mettre en péril ses relations historiques avec la grande France, Bamako vit sous une terreur inouïe à cause d’un banditisme qui semble être à son pic ces jours-ci. Pire, on entend dire que tel fou aurait été arrêté parce qu’il ne serait pas un vrai fou, mais un « dealer » déguisé ! Que tel lieu, apparemment simple abri de  fous ou de délinquants, déboucherait sur une grande cache d'engins volés. Mais comment expliquer cette brusque montée du banditisme dont les grands moyens utilisés par les forces de défense et de sécurité ne brisent ni l’ardeur, ni la violence ? Les propriétaires de « Air cocaïne » seraient-ils en train d’écouler leur marchandise en ce moment ? L’oisiveté des jeunes aurait-elle atteint le seuil de l’insupportable au point où ils manifestent par les actes criminels qui ont cours, leur hargne contre la société ? Toutes les mesures dissuasives et répressives appliquées aujourd’hui et demain suffiront-elles à résorber le taux de banditisme si des mesures courageuses d’insertion socioprofessionnelle profitables aux enfants de toutes les couches sociales, sans favoritisme, sans népotisme, ni autres trafics d’influence, ne sont pas prises et appliquées ? Ne passe-t-on pas trop de temps à faire des discours laudatifs, encenseurs, cultuels autour de la personnalité du président et de son PDES, au lieu de chercher les solutions idoines urgentes aux graves crises qui menacent l’équilibre social et qui s’expriment à travers le commerce de la drogue, la prostitution, la délinquance à large échelle ? On peut cependant oser croire que bientôt sera la fin de la terreur à Bamako. N’oublions pas qu’ATT est avant tout un militaire et qui plus est, un commando parachutiste. A tout moment, il peut entrer en action. Sauf si les préoccupations liées à l’organisation du cinquantenaire occultent les réalités désespérantes du moment.

Ailleurs, des présidents s’amusent. Comme Jacob Zuma qui a célébré récemment son cinquième mariage après avoir reconnu en octobre dernier un enfant « né dehors ». Le vingtième rejeton du président de l’Afrique du Sud. Comme DJ Rajoel, qui se moque de tous les accords pour restaurer la quiétude au Madagascar. Et vous savez qui est son conseiller ? Un certain Khaddafi. Celui-là même qui voulait s’éterniser à la tête de l’Union africaine et qui, diplomatiquement forcé au départ, pour céder le fauteuil à Bingu wa Mutharika du Malawi, a fini par déclarer : ’’Si j’avais su l’année dernière que c'était comme ça, cette fonction de président de l’Union africaine, j’aurais refusé’’. Le comble, n’est-ce pas ? Nous vivons vraiment l’ère de la démocratie ridicule !

Bien à vous.

MINGA

2.2.10

CINQUANTENAIRE DES EX-COLONIES FRANÇAISES : LA FÊTE DES ÉTATS SAUVAGES ?

1960-2010. Voici donc cinquante ans, des fils de l’Afrique ont décidé de libérer officiellement leurs pays asservis, exploités, humiliés, du joug politique et économique de la France notamment. Cette bonne vieille France que certains nostalgiques de la colonisation appelle avec une affection une décalée « la mère patrie ». J’aurais voulu écrire l’amère patrie !
Cinquante ans d’indépendance officielle, « en vertu du droit inaliénable qu’a tout peuple de disposer de lui-même », comme le proclamait un certain Houphouët-Boigny, le 7 août 1960. Cinquante ans de souveraineté clamée haut et chantée fort. Mais cinquante ans pour quels résultats, pour quelle ambition, pour quel avenir !?! Les colons blancs n’existent plus. Il n’y a plus de commandant de cercle qui s’adresse avec arrogance à des indigènes hébétés, hagards et ahuris. Progressivement, les assistants techniques visibles de race blanche ont cédé la place à de jeunes cadres locaux. Une victoire ? Peut-être. Mais à quoi bon une victoire qui ne débouche pas sur le bien-être des populations ? A quoi bon une victoire si, sur les ruines morales et culturelles des pays à reconstruire, la plupart des pères-fondateurs ont abandonné les populations à leur triste sort, pour bâtir leurs propres royaumes, comme des forts infranchissables ?
Des mécontentements ici et là sont nées des oppositions avec des leaders plus ou moins charismatiques. Au seuil des années 90, le soleil des opposants africains se leva à Baule où, sous l’impulsion d’un certain Mitterrand, la démocratie fut imposée comme règle numéro 1 de la gouvernance. Des blocs en Occident s’écroulèrent et une douce brise, appelée « Vent de l’Est », se mit à souffler sur le continent. Successivement, plusieurs opposants accédèrent au pouvoir dans différents pays africains. Mais, il semble que le Pouvoir est une grave maladie mentale. Ceux qui viennent font pire que ceux qu’ils ont encouragé les peuples bernés à chasser du trône.
Des militaires, en redresseurs des torts, se sont mis à envahir le champ politique, avec, pour la plupart, leurs carences intellectuelles, leurs maladresses verbales et leurs légèretés morales. Ils instaurent une démocratie… violente et, pour avoir les coudées franches, ils jettent aux orties la tenue et les principes fondamentaux de l’armée et s’autoproclament « civils ». Pour jouir le plus longtemps possibles des avantages divins du pouvoir, le « président de la République, chef de l’État, chef du gouvernement, père de la nation, chef suprême des armées… », suggère à ses suppôts de modifier la loi fondamentale. Et cela ne peut pas ne pas se faire !
A 50 ans, un homme est suffisamment mûr pour savoir quelle direction donner à sa vie. Mais à 50 ans, les pays africains sont encore à quatre pattes ! Non pas parce qu’ils ne peuvent pas marcher, mais parce qu’ils ont peur que, en les voyant se déplacer seuls, la « métropole » ne dise : « Ah, bon ! Vous savez marcher tout seuls ? Eh bien, courez maintenant ! Moi, je vous laisse vous débrouiller. »
Voilà pourquoi plusieurs pays qui décollaient sur la voie du développement refusent désormais de faire des efforts pour sortir la tête de l’océan des dettes. On manigance même au sommet pour mériter l’appellation PPTE (Pays Pauvres Très Endettés). Et ces pays, gouvernés par des Présidents Puissants Très Enrichis (PPTE) vivent de l’aumône des institutions financières occidentales. Et les pluies de milliards qui tombent, les pauvres populations en entendent juste parler à la radio ; ils le savent à travers les journaux, s’ils peuvent lire ; ils voient les dirigeants signer à la télévision. Et c’est bien de cela qu’ils doivent se contenter. Ces prétendues aides ne servent en réalité qu’à protéger les gouvernants contre la pauvreté.
50 ans ! J’ai mal au cœur en me rendant compte que la célébration du cinquantenaire des indépendances des quatorze pays francophones est pilotée par la France. Et que nos présidents béni oui-oui veulent en faire une fête pour rendre gloire au maître d’hier devenu le sauveur d’aujourd’hui, celui qui nous sort du trou, sans qui notre vie n’aurait pas de sens. Une fête dont un des moments forts se déroulera au bord de la Seine.  En France ! Le 14 juillet ! Comme pour dire qu’à 50 ans d’indépendance, nos pays dépendent encore du colonisateur à qui l’on croyait avoir arraché notre liberté ! Comme pour dire que l’Afrique ne peut rien faire de grand, de bien et de beau si elle ne se fait pas aider par ceux qui l’ont souillée, sous-estimée, humiliée, appauvrie…
« Fête du cinquantenaire », j’entends dire souvent. Mais de quelle fête parle-t-on ? Ceux qui veulent fêter sont-ils à ce point fiers du bilan global des pays pauvres très endettés qu’ils gouvernent ? N’y a-t-il pas plutôt lieu d’organiser des groupes de réflexion sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à faire, en définissant les mécanismes appropriés pour permettre à nos pays de se lever et de marcher sans l’assistance intéressée et ruineuse de ces Occidentaux qui se font passer pour des sapeurs-pompiers pro-africains ?

Que nenni ! On va parader. La France va financer la fête, alors il faut la faire. Nous leur donnerons la preuve que nous avons eu tort de réclamer nos indépendances trop tôt. Que les Modibo Kéïta, Amani Diori, Maurice Yaméogo et tous leurs autres compagnons, n’auraient pas dû proclamer nos indépendances. Que nos états que ravagent encore des guerres absurdes, baignent dans un état sauvage entretenu par des présidents marionnettes qui, au-delà de leurs discours auxquels eux-mêmes ne comprennent pas toujours grand-chose, n’ont pas de vision.

Alors, pourquoi ne pas fêter 50 ans de dépendance ? Bonne fête, belles têtes !

Bien à vous.

MINGA