La situation politique en Côte d’Ivoire suscite moult commentaires. Des plus censés au plus idiots, en passant par les plus drôles, les plus amusants. Normal. Il s’agit d’une confrontation entre deux camps, c’est-à-dire entre deux groupes d’individus aux idées et aux intérêts diamétralement opposés.
C’est donc avec beaucoup de plaisir que je lis ici et là, dans la presse du continent, des opinions de certains intellectuels africains. Parfois des opinions bien écrites. Avec évidemment leur dose de nationalisme à la Mugabé. Mais souvent des opinions très idéologiques, donc plus passionnelles que rationnelles.
Je fais partie des Africains qui critiquent le plus l’attitude paternaliste et parfois humiliante des dirigeants des pays occidentaux qui continuent de traiter les Etats africains comme des colonies ou comme des provinces de leurs propres Etats. Je suis pour ceux qui pensent que les hommes politiques africains doivent pouvoir assumer leur autorité pleine et entière quand ils sont élus à la tête de leurs pays. Car, pour moi, on ne peut parler de souveraineté que lorsque l’on a, à sa disposition, tous les moyens humains et financiers et toutes les institutions fortes nécessaires à la bonne exécution des projets de sociétés conçus pour le bien-être des populations. Mieux, quand on sait utiliser ces moyens et ces institutions de manière efficiente et équilibrée.
J’ai toujours eu horreur de l’attitude béni-oui-oui de la plupart des chefs d’Etat du continent qui sont prêts à courber l’échine devant leurs homologues occidentaux et orientaux pour obtenir des privilèges qui, du reste, sont toujours mal exploités, mal gérés. Je suis pour une Afrique mature, vaillante, active et ne comptant que sur elle-même pour se construire.
Mais quels sont ces dirigeants de pays africains qui nous donnent raison d’être fiers de notre continent ? Je n’en vois pas pour le moment. D’autres Sankara tardent à naître !
Je ne suis pas politique et je n’ai jamais milité ni de près ni de loin dans le parti de Ouattara, même si je reconnais ses compétences longtemps mises au service de la Côte d’Ivoire. N’en déplaise à ceux que certains intérêts ont fait basculer aujourd’hui dans une amnésie sélective. Mais faudrait-il, au nom d’un certain nationalisme dont on veut se faire le chantre, confisquer un pouvoir qu’on a perdu dans les urnes ? Faudrait-il, au nom d’un certain néocolonialisme dont on veut se montrer grand pourfendeur, prendre en otage des institutions républicaines soigneusement verrouillées pour ne jouer que pour soi ? Le nationalisme est-il incompatible avec la démocratie et la raison ? La seule façon de lutter contre le néo-colonialisme est-il de faire du brigandage électoral ?
Je peux comprendre que l’on s’insurge contre certaines déclarations peu diplomatiques qui laissent transparaître des rancoeurs de maîtres contrariés. Mais je ne peux pas admettre que sur la seule base de ces déclarations et des prises de position des occidentaux en général dans la crise ivoirienne, on se contente de faire vibrer notre fibre patriotique, en fermant les yeux sur des évidences. Et pour moi, ces évidences sont nombreuses. Rien que la façon sauvage dont les hommes de Gbagbo ont arraché les documents des mains du porte-parole de la CEI au moment où il s’apprêtait à proclamer les résultats partiels du second tour, était la preuve que tout était préparé pour que la CEI soit hors délai afin que le mot de la fin vienne du président du Conseil constitutionnel ; un homme dont on sait tout quant au contexte de sa nomination à ce poste, à ses liens avec Gbagbo et à son appartenance au parti de ce dernier.
J’ai l’impression qu’il y a malheureusement une forte dose de malhonnêteté intellectuelle chez plusieurs de nos frères africains qui sont prompts à exhiber leurs titres et leurs grades obtenus dans des universités européennes et qui, en même temps, rejettent tout ce qui vient de l’Occident comme portant la marque du néo-colonialisme. Où étaient ces intellectuels quand la Côte d’Ivoire s’embrasait jusqu’à ce qu’il fût question de Marcoussis et de ses accords ? L’ingénieuse idée de régler le conflit en Afrique avec des Africains a germé et il y a eu Accra et Pretoria. Puis Ouagadougou ? Où étaient ces intellectuels nationalistes quand Blaise Compaoré était choisi pour être médiateur ? Et Gbagbo lui-même que certains célèbrent aujourd’hui comme le héros de ce nationalisme malsain et mortifère, pourquoi n’a-t-il pas refusé cette médiation de celui qui est reconnu comme un des suppôts de la France ? Pourquoi avoir accepté de signer des accords qui stipulent clairement que les élections seront certifiées par le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire ? Pourquoi avoir accepté d’aller au premier tour, tout en sachant que les rebelles n’avaient pas désarmé ? Pourquoi raconter aujourd’hui partout que « la communauté internationale nous a obligés à aller aux élections » ? Les fieffés nationalistes qui sortent aujourd’hui des bois ne pouvaient-ils pas conseiller à leur maître Gbagbo qu’il y aurait eu pour lui plus de gloire à tout refuser des occidentaux et y compris leurs accords et leur argent, au nom de cette souveraineté blafarde dont il se prévaut à présent ? N’aurait-il pas été plus héros en disant « NON » alors et en se justifiant par son refus du néo-colonialisme, par sa volonté de proclamer « la vraie indépendance nationale » ? A quoi servent aujourd’hui tous les pamphlets anti-Occident autour d’un président battu qui s’agite comme un roi nu dans un palais sans pouvoir ?
Est-ce en résistant contre son peuple que l’on démontre sa capacité de résister contre l’Occident ? Est-ce en tuant dans notre pays ceux qui s’opposent à nous que nous pouvons avoir raison face à ceux à qui nous nous opposons ? Est-ce dans la violence que réside l’éveil des consciences ?
Gbagbo est-il plus nationaliste que Ouattara ? Est-il plus légaliste ? Suffit-il d’avoir des amis en Occident pour être néo-colonialiste ? N’est-ce pas un institut de sondage français que Gbagbo a payé pour faire croire à l’opinion internationale qu’il gagnerait les élections haut les mains ? N’est-ce pas lui que des hommes politiques français sont allés soutenir pendant les campagnes présidentielles ? Quel légalisme quand le président du Conseil constitutionnel peut en moins de vingt-quatre heures compter 20 000 procès-verbaux pour proclamer des résultats définitifs en annulant purement et simplement des voix de milliers de citoyens ? N’aurait-il pas pu, vu les tensions vives ici et là, vu la fragilité du pays, vu l’enjeu de cette élection, faire reprendre le vote dans les départements « suspects » ? De quelle légalité peut faire montre un juriste partisan ? Et pourquoi Gbagbo propose-t-il maintenant le partage du pouvoir avec Ouattara comme vice-président ? Cela est-il prévu dans la Constitution qu’il dit défendre avec tant de hargne ?
Comme quoi, ceux qui soutiennent Gbagbo le font au mépris du peuple ivoirien qu’ils veulent voir offert en holocauste sur l’autel d’un nationalisme irrationnel, violent et saignant. A travers des raisonnements ambigus qui relèvent soit d’une piètre masturbation intellectualiste, soit d’une déviance intellectuelle ostracisante et dangereuse pour l’avenir du continent. Ce qui se passe en Éburnie n’est pas seulement surréaliste. C’est aussi pathétique et révoltant. Du moins pour tous ceux qui pensent à une meilleure image de l’Afrique, à un meilleur destin des Africains.
Mais faut-il s’émouvoir que Laurent Gbagbo ait des supporters ? Pas du tout ! Hitler, Mussolini, Pinochet, ont tous eu des supporters des plus zélés, et ils en ont toujours partout à travers le monde. Ainsi va la vie : il y aura toujours des plus forts qui construiront leurs rêves sur les corps des plus faibles, avec les meilleurs arguments du monde. Jusqu’à ce que la fronde de Dieu s’ébranle.
Bien à vous.
20.12.10
13.12.10
LETTRE OUVERTE À LAURENT GBAGBO
« Or donc vous n’êtes qu’un pseudo démocrate ! »
Monsieur Gbagbo,
Permettez que, avant de toucher au vif du sujet qui justifie cette épître que je vous adresse, je fasse un petit tour dans ce passé pas si lointain qui vous a révélé à nombre de jeunes ivoiriens comme moi.
J’ai entendu parler de vous quand j’étais encore au lycée, dans les années 80. Vous étiez alors un mythe naissant. Certains de nos professeurs passaient le plus clair de leur temps à parler de vous. En se taisant subitement ou en faisant semblant d’expliquer la leçon du jour, quand ils voyaient venir vers la salle de classe le proviseur, le censeur ou un surveillant. Ils parlaient surtout de votre courage, de votre indépendance d’esprit, de votre combat pour la démocratie et surtout pour la liberté. Ils disaient aussi que vous étiez le seul ivoirien capable de dire « Non » au Bélier de Yamoussoukro. Il y en a même qui parlaient de vous comme on parle de Samory Touré ou de Soundiata Kéïta.
En 1990, Houphouët-Boigny (paix à son âme) a accepté le multipartisme en Côte d’Ivoire. Grâce à vous semble-t-il. Car vos collègues enseignants avaient réussi à inoculer à une grande majorité d’élèves et d’étudiants du pays, le virus de la contestation, de la revendication. Le Mouvement des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire (Meeci) qui était alors une sorte de représentation scolaire du PDCI-RDA, le parti unique, était très affaibli et fragilisé par des courants avant-gardistes qui s’inspiraient de vos idées. Quand la perestroïka, la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule ont libéré les effluves d’une nouvelle ère faisant de la démocratie une condition nécessaire pour le développement des peuples, vos ailes se sont déployées, M Gbagbo. Vous avez pris votre envol. Votre parti clandestin, le Front Populaire Ivoirien (FPI), est devenu le premier parti politique de l’opposition de cette nouvelle ère. Et vous avez pris soin d’inspirer la création de la Fédération estudiantine et scolaire de la Côte d’Ivoire (Fesci), consacrant ainsi la mort du Meeci. Sans me poser trop de questions, j’avais adhéré à l’Union des Sociaux-Démocrates (USD) de Bernard Zadi Zaourou. Non seulement parce que j’avais beaucoup d’admiration pour l’homme à cause de ses talents littéraires, mais surtout parce que le manifeste de la social-démocratie, tel que présenté par le maître du Didiga, correspondait parfaitement à ma vision du rapport entre la gestion politique et le bien-être de la société.
Très vite, vous avez, avec les leaders des trois autres partis politiques se réclamant de la gauche (le Parti pour le Progrès et le Socialisme de Bamba Moriféré, le Parti Ivoirien du Travail de Francis Wodié et l’Union des Sociaux Démocrates de Bernard Zadi Zaourou), créé la Coordination de la Gauche démocratique. J’étais présent à l’une des plus importantes réunions de cette Coordination. J’étais si heureux de vous voir assis côte à côte, tenant le même langage contre celui contre qui nous, les jeunes, nous criions notre rage, tant le pays noyait dans un océan de favoritisme, de népotisme, de clientélisme, de gabegie, de mégalomanie… Des tares que vous citiez et que vous décriviez avec une verve caustique extraordinaire. A l’époque vous étiez très sérieux et vous ne parliez pas encore le langage de la rue. J’étais fier de vous, M. Gbagbo. Même si je me sentais bien à l’USD. Quand le FPI a lancé son hebdomadaire Le Nouvel Horizon, nous jeunes de l’USD, avons lancé Le Jeune Démocrate, un hebdomadaire dont je suis fier d’avoir été un des inspirateurs et le premier secrétaire de rédaction. Et, c’était avec beaucoup de plaisir, d’enthousiasme et de poésie que j’écrivais des billets enlevés pour vous encenser et que je concevais des titrailles inspirées et laudatrices qui sublimaient votre personne.
J’étais à toutes les grandes marches que la Gauche démocratique organisait. J’ai pris mon lot de gaz lacrymogènes, de coups de ceinturons militaires, de coups de matraques policières. J’ai frôlé des arrestations. La mort m’a frôlé. Parce que je croyais en vous et à vos idées que la Gauche démocratique, dont vous étiez incontestablement le leader, défendait.
Jusqu’au jour où j’ai fini par comprendre que la politique est l’art de la duperie et de la duplicité. J’ai décidé de quitter l’USD quand son principal inspirateur, Bernard Zadi Zaourou, en a été chassé par ses meilleurs amis, proches de vous, et j’ai juré de ne plus jamais adhérer à un parti politique. La Coordination de la Gauche démocratique a vite volé en éclats. Parce que vous considériez votre parti, le FPI, comme un grand fleuve et les autres partis de gauche comme de petites rivières insignifiantes que vous sous-estimiez et méprisiez. De près, j’ai vécu votre arrogance, votre suffisance. De près, j’ai compris que vous êtes un homme hautain, orgueilleux, plein de rancune et de rancœur. De près, j’ai su que vous portiez en vous les germes de la violence, de la destruction et de la mort…
Dans les années 90, je vous ai vu vous allier à Alassane Ouattara, défendre son « ivoirité » après l’avoir fait appeler « Mossi Ouattara ». Puis, je vous ai vu lui tourner le dos à nouveau et vous allier à Robert Guéï que vous ne portiez pas du tout dans votre cœur quand il était Chef d’Etat-major de l’armée. Personne dans votre entourage ne s’est ému par la façon dont vous faisiez et défaisiez vos alliances au gré de vos ambitions ponctuelles ou programmées. Je vous ai compris quand, à travers des entretiens avec des journalistes, vous avez clairement laissé entendre que politique rime avec opportunisme. Robert Guéï a fait les frais de cet opportunisme inhumain, comme bien d’autres ivoiriens. Un jour, certainement, la lumière sera faite sur les circonstances réelles de la mort du pauvre Général qui a compris trop tard que vous n’étiez qu’un simple boulanger, cynique et machiavélique. Vous qui incarniez les espoirs de tant de jeunes, quand vous avez pris le pouvoir en 2000, dans des conditions scabreuses, j’ai découvert en vous un président banal. J’ai envie de dire un président banane, parce que, sous votre règne, la Côte d’Ivoire est devenue une vraie république bananière. Escadrons de la mort, enlèvements, assassinats, exécutions sommaires, impunité… Aux maux que vous décriiez quand vous étiez dans l’opposition, vous avez ajouté de nouveaux mots avec lesquels les Ivoiriens ont appris à vivre. Douloureusement.
Monsieur Gbagbo,
Aimez-vous vraiment la Côte d’Ivoire ? Je ne vous croirai pas si vous me répondez par l’affirmative. Parce que, si vous aimiez vraiment ce pays, vous auriez mis votre ego en veilleuse pour le voir, voir ses filles et ses fils lassés de la guerre et de la misère qu’elle a provoquée ; lassés de la peur et de l’angoisse qu’elle a suscitée. Si vous aimiez vraiment la Côte d’Ivoire, vous ne mettriez pas tout votre savoir d’historien au service de l’exhumation des douleurs du passé pour fragiliser le présent et hypothéquer l’avenir des Ivoiriens. Si vous aimiez vraiment la Côte d’Ivoire, vous n’auriez pas pris la peine de vous forger une image de menteur, de falsificateur et d’affabulateur, rien que pour vous accrocher au pouvoir, envers et contre tout, envers et contre tous. Semant la violence pour étouffer l’alternance. Or donc vous n’êtes qu’un pseudo démocrate ! Un opportuniste monstrueux. Un assoiffé du pouvoir. Comme les autres !
Monsieur Gbagbo,
Je comprends parfaitement votre entêtement à rester au pouvoir coûte que coûte. Vous avez fait trop de mal, trop de morts, depuis 2000, pour ne pas être inquiété par la justice internationale, si vous perdez la présidence de la République. Cette cuirasse vous protège contre la disgrâce, le déshonneur et l’humiliation. Au fond, vous aviez sous-estimé votre adversaire et aviez cru que votre système de manipulation d’idées méticuleusement mis en place allait fonctionner sans faille. Vos sondages commandés vous donnaient toujours vainqueur pour préparer psychologiquement les populations et l’opinion internationale à votre victoire. Vos slogans aussi étaient conçus dans la même veine : « Y a rien en face ! », « Devant, c’est maïs ! », « On gagne ou on gagne ! », etc. Vous comptiez aussi sur votre stratégie de l’usure qui a toujours marché, quand vous prenez des décisions inacceptables qui défient le bon sens et la raison. « Laissez-les condamner. Quand ils seront fatigués, ils vont se taire… », aimiez-vous dire, parlant de la communauté internationale. Et c’était vrai. On vous condamnait, on vous menaçait, vous résistiez et on se taisait comme si de rien n’était. Les chiens aboyaient, votre caravane passait. Seulement voilà, cette fois-ci, ce que vous voyiez devant vous comme du maïs est en réalité un caillou ! Et vous avez mordu dans la poussière. Mais les grands hommes ceux qui savent capitaliser leur échec et qui peuvent en tirer des leçons de vie pour le futur. Les grands hommes sont ceux qui savent que le plus grave ce n’est pas de tomber quand on court, mais de ne pas pouvoir se relever pour continuer la course. Alors vous, pensez-vous être un grand homme ? Avez-vous choisi, monsieur le professeur d’histoire, la façon dont vous voulez entrer dans l’Histoire, comme vous l’a demandé Nicolas Sarkozy, votre ennemi intime ? Avez-vous conscience de l’image écornée et froissée que vous laissez au monde ?
Monsieur Gbagbo,
Il paraît que vous voulez négocier maintenant. « Asseyons-nous et discutons », auriez-vous dit à Alassane Ouattara. Du déjà entendu. Aux heures chaudes de votre fougue d’opposant. Mais en tant que qui voulez-vous négocier à présent ? Président de la République ou roi déchu ? Et pourquoi maintenant ? Pour dire quoi et pour obtenir quoi ? Il paraît aussi que vous préparez votre exil en terre sud-africaine. Mais vous auriez demandé la protection de 300 amis que vous ne souhaitez pas abandonner à la merci de la justice. Il paraît enfin que votre épouse Simone qui aurait été rejetée dans sa recherche d’asile par certains pays de la sous-région, vient d’être hébergée par un de vos grands amis maliens, quelque part à Sébénikoro, dans la capitale malienne. Il paraît que… Tout cela est-il vrai ? Seriez-vous en train de tenir des discours de « garçon vrai-vrai » devant les caméras alors que vous négociez dans les coulisses pour une sortie honorable ? Qui aurait cru qu’on pourrait un jour parler de vous d’une façon aussi incertaine, impersonnelle et hasardeuse ? Mais le pouvoir, c’est le pouvoir. Il faut pouvoir le comprendre.
Aujourd’hui, depuis ma terre d’exil, je regarde la Côte d’Ivoire avec amertume et je ne peux m’empêcher de répéter, in petto, ces phrases célèbres de feu Félix Houphouët-Boigny qui revenait très souvent comme « Pensée du jour » de Fraternité-Matin, le quotidien national : « Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu. Faisons en sorte que nous n’ayons jamais à le perdre, mais à l’accroître sans cesse… »
Et vous, Monsieur Gbagbo, à quoi pensez-vous en ces jours critiques de votre fin de règne ? Je sais que le monde entier voudrait bien le savoir. Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas de faire « le bon choix » comme vous l’a conseillé Barack Obama. Lui qui, malgré les énormes difficultés qu’il a dans la gestion de son pays, pense à vous, son frère. Votre ami gambien Yaya Jammeh, un charlatan paranoïaque, a certainement beaucoup d’estime pour vous, lui qui condamne les condamnations de la communauté internationale. Mais le président de la Gambie aime-t-il vraiment la Côte d’Ivoire ? Je n’en suis pas si sûr. Alors réfléchissez encore et « faites le bon choix ».
Pour ma part, je voudrais tout simplement terminer en vous disant que je suis désolé pour ce qui vous arrive. Mais je sais que vous saurez rebondir. Dieu est grand ! Ah tenez, voici une question, peut-être indiscrète mais très sérieuse, que j’ai toujours voulu vous poser : vous qui êtes un grand chrétien reconnu par tous, comment se fait-il que vous ayez deux femmes ?
Bien à vous.
MINGA S. Siddick
Un Ivoirien désabusé.
Monsieur Gbagbo,
Permettez que, avant de toucher au vif du sujet qui justifie cette épître que je vous adresse, je fasse un petit tour dans ce passé pas si lointain qui vous a révélé à nombre de jeunes ivoiriens comme moi.
J’ai entendu parler de vous quand j’étais encore au lycée, dans les années 80. Vous étiez alors un mythe naissant. Certains de nos professeurs passaient le plus clair de leur temps à parler de vous. En se taisant subitement ou en faisant semblant d’expliquer la leçon du jour, quand ils voyaient venir vers la salle de classe le proviseur, le censeur ou un surveillant. Ils parlaient surtout de votre courage, de votre indépendance d’esprit, de votre combat pour la démocratie et surtout pour la liberté. Ils disaient aussi que vous étiez le seul ivoirien capable de dire « Non » au Bélier de Yamoussoukro. Il y en a même qui parlaient de vous comme on parle de Samory Touré ou de Soundiata Kéïta.
En 1990, Houphouët-Boigny (paix à son âme) a accepté le multipartisme en Côte d’Ivoire. Grâce à vous semble-t-il. Car vos collègues enseignants avaient réussi à inoculer à une grande majorité d’élèves et d’étudiants du pays, le virus de la contestation, de la revendication. Le Mouvement des Élèves et Étudiants de Côte d’Ivoire (Meeci) qui était alors une sorte de représentation scolaire du PDCI-RDA, le parti unique, était très affaibli et fragilisé par des courants avant-gardistes qui s’inspiraient de vos idées. Quand la perestroïka, la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule ont libéré les effluves d’une nouvelle ère faisant de la démocratie une condition nécessaire pour le développement des peuples, vos ailes se sont déployées, M Gbagbo. Vous avez pris votre envol. Votre parti clandestin, le Front Populaire Ivoirien (FPI), est devenu le premier parti politique de l’opposition de cette nouvelle ère. Et vous avez pris soin d’inspirer la création de la Fédération estudiantine et scolaire de la Côte d’Ivoire (Fesci), consacrant ainsi la mort du Meeci. Sans me poser trop de questions, j’avais adhéré à l’Union des Sociaux-Démocrates (USD) de Bernard Zadi Zaourou. Non seulement parce que j’avais beaucoup d’admiration pour l’homme à cause de ses talents littéraires, mais surtout parce que le manifeste de la social-démocratie, tel que présenté par le maître du Didiga, correspondait parfaitement à ma vision du rapport entre la gestion politique et le bien-être de la société.
Très vite, vous avez, avec les leaders des trois autres partis politiques se réclamant de la gauche (le Parti pour le Progrès et le Socialisme de Bamba Moriféré, le Parti Ivoirien du Travail de Francis Wodié et l’Union des Sociaux Démocrates de Bernard Zadi Zaourou), créé la Coordination de la Gauche démocratique. J’étais présent à l’une des plus importantes réunions de cette Coordination. J’étais si heureux de vous voir assis côte à côte, tenant le même langage contre celui contre qui nous, les jeunes, nous criions notre rage, tant le pays noyait dans un océan de favoritisme, de népotisme, de clientélisme, de gabegie, de mégalomanie… Des tares que vous citiez et que vous décriviez avec une verve caustique extraordinaire. A l’époque vous étiez très sérieux et vous ne parliez pas encore le langage de la rue. J’étais fier de vous, M. Gbagbo. Même si je me sentais bien à l’USD. Quand le FPI a lancé son hebdomadaire Le Nouvel Horizon, nous jeunes de l’USD, avons lancé Le Jeune Démocrate, un hebdomadaire dont je suis fier d’avoir été un des inspirateurs et le premier secrétaire de rédaction. Et, c’était avec beaucoup de plaisir, d’enthousiasme et de poésie que j’écrivais des billets enlevés pour vous encenser et que je concevais des titrailles inspirées et laudatrices qui sublimaient votre personne.
J’étais à toutes les grandes marches que la Gauche démocratique organisait. J’ai pris mon lot de gaz lacrymogènes, de coups de ceinturons militaires, de coups de matraques policières. J’ai frôlé des arrestations. La mort m’a frôlé. Parce que je croyais en vous et à vos idées que la Gauche démocratique, dont vous étiez incontestablement le leader, défendait.
Jusqu’au jour où j’ai fini par comprendre que la politique est l’art de la duperie et de la duplicité. J’ai décidé de quitter l’USD quand son principal inspirateur, Bernard Zadi Zaourou, en a été chassé par ses meilleurs amis, proches de vous, et j’ai juré de ne plus jamais adhérer à un parti politique. La Coordination de la Gauche démocratique a vite volé en éclats. Parce que vous considériez votre parti, le FPI, comme un grand fleuve et les autres partis de gauche comme de petites rivières insignifiantes que vous sous-estimiez et méprisiez. De près, j’ai vécu votre arrogance, votre suffisance. De près, j’ai compris que vous êtes un homme hautain, orgueilleux, plein de rancune et de rancœur. De près, j’ai su que vous portiez en vous les germes de la violence, de la destruction et de la mort…
Dans les années 90, je vous ai vu vous allier à Alassane Ouattara, défendre son « ivoirité » après l’avoir fait appeler « Mossi Ouattara ». Puis, je vous ai vu lui tourner le dos à nouveau et vous allier à Robert Guéï que vous ne portiez pas du tout dans votre cœur quand il était Chef d’Etat-major de l’armée. Personne dans votre entourage ne s’est ému par la façon dont vous faisiez et défaisiez vos alliances au gré de vos ambitions ponctuelles ou programmées. Je vous ai compris quand, à travers des entretiens avec des journalistes, vous avez clairement laissé entendre que politique rime avec opportunisme. Robert Guéï a fait les frais de cet opportunisme inhumain, comme bien d’autres ivoiriens. Un jour, certainement, la lumière sera faite sur les circonstances réelles de la mort du pauvre Général qui a compris trop tard que vous n’étiez qu’un simple boulanger, cynique et machiavélique. Vous qui incarniez les espoirs de tant de jeunes, quand vous avez pris le pouvoir en 2000, dans des conditions scabreuses, j’ai découvert en vous un président banal. J’ai envie de dire un président banane, parce que, sous votre règne, la Côte d’Ivoire est devenue une vraie république bananière. Escadrons de la mort, enlèvements, assassinats, exécutions sommaires, impunité… Aux maux que vous décriiez quand vous étiez dans l’opposition, vous avez ajouté de nouveaux mots avec lesquels les Ivoiriens ont appris à vivre. Douloureusement.
Monsieur Gbagbo,
Aimez-vous vraiment la Côte d’Ivoire ? Je ne vous croirai pas si vous me répondez par l’affirmative. Parce que, si vous aimiez vraiment ce pays, vous auriez mis votre ego en veilleuse pour le voir, voir ses filles et ses fils lassés de la guerre et de la misère qu’elle a provoquée ; lassés de la peur et de l’angoisse qu’elle a suscitée. Si vous aimiez vraiment la Côte d’Ivoire, vous ne mettriez pas tout votre savoir d’historien au service de l’exhumation des douleurs du passé pour fragiliser le présent et hypothéquer l’avenir des Ivoiriens. Si vous aimiez vraiment la Côte d’Ivoire, vous n’auriez pas pris la peine de vous forger une image de menteur, de falsificateur et d’affabulateur, rien que pour vous accrocher au pouvoir, envers et contre tout, envers et contre tous. Semant la violence pour étouffer l’alternance. Or donc vous n’êtes qu’un pseudo démocrate ! Un opportuniste monstrueux. Un assoiffé du pouvoir. Comme les autres !
Monsieur Gbagbo,
Je comprends parfaitement votre entêtement à rester au pouvoir coûte que coûte. Vous avez fait trop de mal, trop de morts, depuis 2000, pour ne pas être inquiété par la justice internationale, si vous perdez la présidence de la République. Cette cuirasse vous protège contre la disgrâce, le déshonneur et l’humiliation. Au fond, vous aviez sous-estimé votre adversaire et aviez cru que votre système de manipulation d’idées méticuleusement mis en place allait fonctionner sans faille. Vos sondages commandés vous donnaient toujours vainqueur pour préparer psychologiquement les populations et l’opinion internationale à votre victoire. Vos slogans aussi étaient conçus dans la même veine : « Y a rien en face ! », « Devant, c’est maïs ! », « On gagne ou on gagne ! », etc. Vous comptiez aussi sur votre stratégie de l’usure qui a toujours marché, quand vous prenez des décisions inacceptables qui défient le bon sens et la raison. « Laissez-les condamner. Quand ils seront fatigués, ils vont se taire… », aimiez-vous dire, parlant de la communauté internationale. Et c’était vrai. On vous condamnait, on vous menaçait, vous résistiez et on se taisait comme si de rien n’était. Les chiens aboyaient, votre caravane passait. Seulement voilà, cette fois-ci, ce que vous voyiez devant vous comme du maïs est en réalité un caillou ! Et vous avez mordu dans la poussière. Mais les grands hommes ceux qui savent capitaliser leur échec et qui peuvent en tirer des leçons de vie pour le futur. Les grands hommes sont ceux qui savent que le plus grave ce n’est pas de tomber quand on court, mais de ne pas pouvoir se relever pour continuer la course. Alors vous, pensez-vous être un grand homme ? Avez-vous choisi, monsieur le professeur d’histoire, la façon dont vous voulez entrer dans l’Histoire, comme vous l’a demandé Nicolas Sarkozy, votre ennemi intime ? Avez-vous conscience de l’image écornée et froissée que vous laissez au monde ?
Monsieur Gbagbo,
Il paraît que vous voulez négocier maintenant. « Asseyons-nous et discutons », auriez-vous dit à Alassane Ouattara. Du déjà entendu. Aux heures chaudes de votre fougue d’opposant. Mais en tant que qui voulez-vous négocier à présent ? Président de la République ou roi déchu ? Et pourquoi maintenant ? Pour dire quoi et pour obtenir quoi ? Il paraît aussi que vous préparez votre exil en terre sud-africaine. Mais vous auriez demandé la protection de 300 amis que vous ne souhaitez pas abandonner à la merci de la justice. Il paraît enfin que votre épouse Simone qui aurait été rejetée dans sa recherche d’asile par certains pays de la sous-région, vient d’être hébergée par un de vos grands amis maliens, quelque part à Sébénikoro, dans la capitale malienne. Il paraît que… Tout cela est-il vrai ? Seriez-vous en train de tenir des discours de « garçon vrai-vrai » devant les caméras alors que vous négociez dans les coulisses pour une sortie honorable ? Qui aurait cru qu’on pourrait un jour parler de vous d’une façon aussi incertaine, impersonnelle et hasardeuse ? Mais le pouvoir, c’est le pouvoir. Il faut pouvoir le comprendre.
Aujourd’hui, depuis ma terre d’exil, je regarde la Côte d’Ivoire avec amertume et je ne peux m’empêcher de répéter, in petto, ces phrases célèbres de feu Félix Houphouët-Boigny qui revenait très souvent comme « Pensée du jour » de Fraternité-Matin, le quotidien national : « Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu. Faisons en sorte que nous n’ayons jamais à le perdre, mais à l’accroître sans cesse… »
Et vous, Monsieur Gbagbo, à quoi pensez-vous en ces jours critiques de votre fin de règne ? Je sais que le monde entier voudrait bien le savoir. Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas de faire « le bon choix » comme vous l’a conseillé Barack Obama. Lui qui, malgré les énormes difficultés qu’il a dans la gestion de son pays, pense à vous, son frère. Votre ami gambien Yaya Jammeh, un charlatan paranoïaque, a certainement beaucoup d’estime pour vous, lui qui condamne les condamnations de la communauté internationale. Mais le président de la Gambie aime-t-il vraiment la Côte d’Ivoire ? Je n’en suis pas si sûr. Alors réfléchissez encore et « faites le bon choix ».
Pour ma part, je voudrais tout simplement terminer en vous disant que je suis désolé pour ce qui vous arrive. Mais je sais que vous saurez rebondir. Dieu est grand ! Ah tenez, voici une question, peut-être indiscrète mais très sérieuse, que j’ai toujours voulu vous poser : vous qui êtes un grand chrétien reconnu par tous, comment se fait-il que vous ayez deux femmes ?
Bien à vous.
MINGA S. Siddick
Un Ivoirien désabusé.
9.12.10
LAURENT GBAGBO, PRÉSIDENT ? La grande imposture !
Le jeudi 2 décembre dernier, la Commission électorale indépendante (CEI) a donné les résultats du second tour de l’électorale présidentielle de la Côte d’Ivoire. Selon ces résultats, c’est Alassane Dramane Ouattara qui est élu président avec 54,10% des voix. Mais comme cela était prévisible, Paul Yao Ndré, le président du Conseil constitutionnel, a invalidé ce résulat le lendemain, vendredi, et refait de nouveaux comptes qui, selon lui, donnent l’avantage du suffrage exprimé à Laurent Ggbagbo qui aurait été élu à 51,45 %. Mais pourquoi et comment en est-on arrivé là, dans une Côte d’Ivoire qui espérait sortir définitivement de la crise à travers cette élection ?
Pour comprendre ce qui vient de se passer et qui n’honore aucunement l’Afrique, il faut remonter loin dans le temps. Jusqu’en 2002, notamment. Gbagbo a pris le pouvoir dans des conditions « calamiteuses » qui ont profondément meurtri des populations et abouti à la division du pays. Une division rendue effective après l’échec du coup d’Etat du 19 septembre 2002. Depuis lors, le parti de Laurent Gbagbo a vu naître en son sein un courant radical conduit par sa première épouse Simone Gbagbo, le président de l’assemblée nationale Mamadou Coulibaly et Affi Nguessan, le président du Front populaire ivoirien. Ainsi, même si Laurent Gbagbo signait tous les différents accords successifs visant à sortir le pays de la crise (Marcoussis, Prétoria, Accra et Ouagadougou), l’aile dure de son entourage immédiat se montrait toujours réservée quant à l’application in extenso de tous les textes de ces accords. On peut se rappeler tous les conflits qui ont entouré la phase préparatoire de cette élection (validation de la liste électorale, désarmement des ex-rebelles et des milices pro-Gbagbo, composition de la CEI, entre autres). Une élection qui, en cinq ans, aura connu au moins sept reports, avant d’être finalement maintenue pour le 31 octobre dernier.
Au fil du temps, on comprenait aisément, à travers tous les discours de Laurent Gbagbo et de ses compagnons, que l’issue des élections ne pouvait pas, ne devait pas leur échapper. A plusieurs reprises, le fondateur du FPI a laissé clairement entendre qu’il ferait tout ce qui est possible pour garder son pouvoir et que choisir quelqu’un d’autre, c’est choisir l’étranger, c’est choisir la guerre…
Le christ de Mama est même allé plus loin, lui qui, pour préparer déjà les Ivoiriens et les « étrangers » à sa « victoire », a dû payer des sommes faramineuses pour que des instituts de sondages de grandes renommées, le déclarent vainqueur et au premier tour. C’était pure comédie, pure manipulation. Une préparation burlesque de la séance honteuse de prestidigitation que le Conseil constitutionnel vient de nous servir de la façon la plus grossière, le vendredi 3 décembre dernier.
Pour dire que tout était minutieusement préparé pour se moquer des Ivoiriens, sous le prétexte affabulateur d’une protection de la République contre une prétendue intrusion étrangère en Côte d’Ivoire. Se prévalant d’un nationalisme étriqué à cheval sur une Constitution plusieurs fois mise de côté depuis le début du processus de résolution de la crise, Gbagbo et ses lieutenants pataugent dans un océan de contradictions, de mauvaise foi et d’inconséquence.
Sinon, comment comprendre que Affi Nguessan, au nom de son parti, insiste aujourd’hui sur le fait que les ex-combattants n’ont pas été désarmés et que par conséquent, les élections n’auraient pas dû avoir lieu au Nord, faute de sécurité ? Pourquoi alors avoir accepté les résultats du premier tour dans le Nord où Alassane avait déjà ses plus grands scores ? A quoi auront donc servi les 1 500 militaires loyalistes déployés au Nord à la veille du second tour ?
Sinon comment comprendre que les « refondateurs » désavouent la CEI pour avoir proclamé les résultats du second tour après l’expiration du délai ? Pourquoi alors avoir accepté les résultats du premier tour proclamés eux aussi, après minuit ?
Sinon comment comprendre toutes les scènes surréalistes d’empêchement du porte-parole de la CEI devant proclamer les résultats du second tour à la télévision ? Pourquoi les insatisfaits ne pouvaient-ils pas attendre la proclamation de ces résultats par la CEI, pour déposer légalement les recours auprès du Conseil constitutionnel qui aurait pris le temps nécessaire pour les examiner avant de donner son verdict ?
Sinon, comment comprendre que les « frontistes » annulent purement et simplement tous les votes de neufs départements du Nord ? Le Code électoral ne prévoit-il pas la reprise du scrutin si cela s’avère nécessaire, dans des zones où des problèmes graves sont susceptibles d’entacher la régularité du vote ? Et pourquoi avoir seulement annulé les voix du Nord alors que dans les régions dites « Gbagboland » (Sud, Centre-ouest), de nombreux cas d’empêchement ont été signalés avec parfois mort d’hommes ?
Sinon, comment comprendre qu’après toutes les menaces qui pesaient sur le président de la CEI empêché de livrer les résultats, on accuse ce dernier d’avoir proclamé les résultats en dehors du siège de l’institution que le pouvoir avait interdit à la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) ? Et pourtant, avant même le hold-up en direct organisé le mercredi de la proclamation des résultats par la CEI, on entendait déjà les proches de Gbagbo dire partout que dès que minuit sera dépassé, ce sera au Conseil constitutionnel de prendre le dossier en charge. Vraisemblablement, Paul Yao Ndré n’aurait reçu les 20 000 procès-verbaux que le jeudi. S’il n’était pas question d’une mise en scène à l’absurde, comment est-ce possible que tous ces procès-verbaux soient minutieusement examinés en moins de 48 heures pour attester de la validité ou de la non validité de ces documents dont dépendent l’équilibre et la paix d’un pays qu’on dit tant aimer ?
Et les incongruités, il y en a bien d’autres qui confirment que Laurent Gbagbo a choisi de s’imposer par la chienlit à travers une mascarade indigne de qui se dit démocrate. Par exemple, lors du débat télévisé dont le ton a été salué par tous, Gbagbo a commencé par l’annonce de son décret qui devait instaurer un couvre-feu de la veille du jour même du second tour jusqu’à la proclamation des résultats. Pourquoi ? Et pourquoi avant la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, le couvre-feu a-t-il été prolongé, les frontières terrestres, aériennes et maritimes fermées jusqu’à nouvel ordre ? Pourquoi les médias comme RFI, France 24 et TV5 Monde ont-ils été suspendus provisoirement ?
Finalement, Laurent Gbagbo a prêté serment. Il a nommé un premier ministre qui vient de former son gouvernement. En dépit de toutes les condamnations venant de tous les horizons, y compris de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La Côte d’Ivoire a donc désormais deux présidents, deux premiers ministres et deux gouvernements. Pour le chef du FPI devenu un vulgaire rebelle, il n’y a toujours « rien en face ». Il met ainsi en exécution cet autre slogan qui présageait de la fraude à venir : « On gagne ou on gagne ! ». Mais jusqu’où ira-t-il, lui qui pense que la communauté internationale s’agite toujours au début puis finit par se calmer ? Se faisant dur à cuir, Laurent Gbagbo, le nouveau petit Napoléon des Tropiques, au nom d’une prétendue souveraineté, pourra-t-il continuer à cacher le soleil aux Ivoiriens avec sa petite main ? Pour le moment, tous ceux qui ont un brin d’esprit discursif ont vu et compris la grande imposture qui prépare le lit d’une grave dictature, si jamais, par extraordinaire, il réussit à s’imposer envers et contre tous !
Et pourtant, nombreux sont ceux qui sont convaincus que Gbagbo finira par s’en aller. Malgré le soutien malicieux de la Russie qui, du reste, n’est pas un modèle de démocratie. Gbagbo pourrait donc partir comme Charles Taylor du Libéria en août 2003 et comme Mohamed Bacar de l’île d’Anjouan (Comores) en mars 2008.
Mais alors, jusqu’à quand durera l’abracadabrantesque imbroglio politique qui aggrave la souffrance du peuple ivoirien ? En attendant, disons que la Côte d’Ivoire est désormais comme « un portable à deux puces », pour reprendre les propos d’un internaute qui préfère vivre avec humour la bêtise politique en marche en Eburnie. Que Dieu protège la Côte d’Ivoire !
Bien à vous.
MINGA
Pour comprendre ce qui vient de se passer et qui n’honore aucunement l’Afrique, il faut remonter loin dans le temps. Jusqu’en 2002, notamment. Gbagbo a pris le pouvoir dans des conditions « calamiteuses » qui ont profondément meurtri des populations et abouti à la division du pays. Une division rendue effective après l’échec du coup d’Etat du 19 septembre 2002. Depuis lors, le parti de Laurent Gbagbo a vu naître en son sein un courant radical conduit par sa première épouse Simone Gbagbo, le président de l’assemblée nationale Mamadou Coulibaly et Affi Nguessan, le président du Front populaire ivoirien. Ainsi, même si Laurent Gbagbo signait tous les différents accords successifs visant à sortir le pays de la crise (Marcoussis, Prétoria, Accra et Ouagadougou), l’aile dure de son entourage immédiat se montrait toujours réservée quant à l’application in extenso de tous les textes de ces accords. On peut se rappeler tous les conflits qui ont entouré la phase préparatoire de cette élection (validation de la liste électorale, désarmement des ex-rebelles et des milices pro-Gbagbo, composition de la CEI, entre autres). Une élection qui, en cinq ans, aura connu au moins sept reports, avant d’être finalement maintenue pour le 31 octobre dernier.
Au fil du temps, on comprenait aisément, à travers tous les discours de Laurent Gbagbo et de ses compagnons, que l’issue des élections ne pouvait pas, ne devait pas leur échapper. A plusieurs reprises, le fondateur du FPI a laissé clairement entendre qu’il ferait tout ce qui est possible pour garder son pouvoir et que choisir quelqu’un d’autre, c’est choisir l’étranger, c’est choisir la guerre…
Le christ de Mama est même allé plus loin, lui qui, pour préparer déjà les Ivoiriens et les « étrangers » à sa « victoire », a dû payer des sommes faramineuses pour que des instituts de sondages de grandes renommées, le déclarent vainqueur et au premier tour. C’était pure comédie, pure manipulation. Une préparation burlesque de la séance honteuse de prestidigitation que le Conseil constitutionnel vient de nous servir de la façon la plus grossière, le vendredi 3 décembre dernier.
Pour dire que tout était minutieusement préparé pour se moquer des Ivoiriens, sous le prétexte affabulateur d’une protection de la République contre une prétendue intrusion étrangère en Côte d’Ivoire. Se prévalant d’un nationalisme étriqué à cheval sur une Constitution plusieurs fois mise de côté depuis le début du processus de résolution de la crise, Gbagbo et ses lieutenants pataugent dans un océan de contradictions, de mauvaise foi et d’inconséquence.
Sinon, comment comprendre que Affi Nguessan, au nom de son parti, insiste aujourd’hui sur le fait que les ex-combattants n’ont pas été désarmés et que par conséquent, les élections n’auraient pas dû avoir lieu au Nord, faute de sécurité ? Pourquoi alors avoir accepté les résultats du premier tour dans le Nord où Alassane avait déjà ses plus grands scores ? A quoi auront donc servi les 1 500 militaires loyalistes déployés au Nord à la veille du second tour ?
Sinon comment comprendre que les « refondateurs » désavouent la CEI pour avoir proclamé les résultats du second tour après l’expiration du délai ? Pourquoi alors avoir accepté les résultats du premier tour proclamés eux aussi, après minuit ?
Sinon comment comprendre toutes les scènes surréalistes d’empêchement du porte-parole de la CEI devant proclamer les résultats du second tour à la télévision ? Pourquoi les insatisfaits ne pouvaient-ils pas attendre la proclamation de ces résultats par la CEI, pour déposer légalement les recours auprès du Conseil constitutionnel qui aurait pris le temps nécessaire pour les examiner avant de donner son verdict ?
Sinon, comment comprendre que les « frontistes » annulent purement et simplement tous les votes de neufs départements du Nord ? Le Code électoral ne prévoit-il pas la reprise du scrutin si cela s’avère nécessaire, dans des zones où des problèmes graves sont susceptibles d’entacher la régularité du vote ? Et pourquoi avoir seulement annulé les voix du Nord alors que dans les régions dites « Gbagboland » (Sud, Centre-ouest), de nombreux cas d’empêchement ont été signalés avec parfois mort d’hommes ?
Sinon, comment comprendre qu’après toutes les menaces qui pesaient sur le président de la CEI empêché de livrer les résultats, on accuse ce dernier d’avoir proclamé les résultats en dehors du siège de l’institution que le pouvoir avait interdit à la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) ? Et pourtant, avant même le hold-up en direct organisé le mercredi de la proclamation des résultats par la CEI, on entendait déjà les proches de Gbagbo dire partout que dès que minuit sera dépassé, ce sera au Conseil constitutionnel de prendre le dossier en charge. Vraisemblablement, Paul Yao Ndré n’aurait reçu les 20 000 procès-verbaux que le jeudi. S’il n’était pas question d’une mise en scène à l’absurde, comment est-ce possible que tous ces procès-verbaux soient minutieusement examinés en moins de 48 heures pour attester de la validité ou de la non validité de ces documents dont dépendent l’équilibre et la paix d’un pays qu’on dit tant aimer ?
Et les incongruités, il y en a bien d’autres qui confirment que Laurent Gbagbo a choisi de s’imposer par la chienlit à travers une mascarade indigne de qui se dit démocrate. Par exemple, lors du débat télévisé dont le ton a été salué par tous, Gbagbo a commencé par l’annonce de son décret qui devait instaurer un couvre-feu de la veille du jour même du second tour jusqu’à la proclamation des résultats. Pourquoi ? Et pourquoi avant la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, le couvre-feu a-t-il été prolongé, les frontières terrestres, aériennes et maritimes fermées jusqu’à nouvel ordre ? Pourquoi les médias comme RFI, France 24 et TV5 Monde ont-ils été suspendus provisoirement ?
Finalement, Laurent Gbagbo a prêté serment. Il a nommé un premier ministre qui vient de former son gouvernement. En dépit de toutes les condamnations venant de tous les horizons, y compris de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La Côte d’Ivoire a donc désormais deux présidents, deux premiers ministres et deux gouvernements. Pour le chef du FPI devenu un vulgaire rebelle, il n’y a toujours « rien en face ». Il met ainsi en exécution cet autre slogan qui présageait de la fraude à venir : « On gagne ou on gagne ! ». Mais jusqu’où ira-t-il, lui qui pense que la communauté internationale s’agite toujours au début puis finit par se calmer ? Se faisant dur à cuir, Laurent Gbagbo, le nouveau petit Napoléon des Tropiques, au nom d’une prétendue souveraineté, pourra-t-il continuer à cacher le soleil aux Ivoiriens avec sa petite main ? Pour le moment, tous ceux qui ont un brin d’esprit discursif ont vu et compris la grande imposture qui prépare le lit d’une grave dictature, si jamais, par extraordinaire, il réussit à s’imposer envers et contre tous !
Et pourtant, nombreux sont ceux qui sont convaincus que Gbagbo finira par s’en aller. Malgré le soutien malicieux de la Russie qui, du reste, n’est pas un modèle de démocratie. Gbagbo pourrait donc partir comme Charles Taylor du Libéria en août 2003 et comme Mohamed Bacar de l’île d’Anjouan (Comores) en mars 2008.
Mais alors, jusqu’à quand durera l’abracadabrantesque imbroglio politique qui aggrave la souffrance du peuple ivoirien ? En attendant, disons que la Côte d’Ivoire est désormais comme « un portable à deux puces », pour reprendre les propos d’un internaute qui préfère vivre avec humour la bêtise politique en marche en Eburnie. Que Dieu protège la Côte d’Ivoire !
Bien à vous.
MINGA
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